L’Egypte, terrain d’expérimentation des premières techniques photographiques

 

Le matériel de prises de vue à l’épreuve du climat égyptien :

 

Au XIXe siècle, plus la technique photographique évolue, plus la taille de la chambre noire et donc de la surface sensible augmente. On reproche souvent à une plaque daguerréotype d’être de dimension trop modeste, mais cela procure néanmoins l’avantage pour le photographe d’utiliser une chambre relativement petite. En 1839, le peintre Horace Vernet et son neveu Frédéric Goupil-Fesquet réalise des daguerréotypes en Egypte avec des appareils fabriqués par l’opticien Lerebours : la chambre noire et l’optique proviennent de ce même constructeur. Dans des articles de La Lumière, Lerebours conseille d’ailleurs de vérifier que l’objectif n’est pas couvert par une couche d’humidité, et de l’essuyer avec un linge fin ou une peau de chamois, si tel est le cas. Pour prendre des clichés de paysage et de monuments, il conseille l’utilisation d’un objectif achromatique, plutôt que celle d’un objectif combiné.[1]

Le choix de l’objectif n’est pas le seul critère à prendre en compte en Egypte. Il faut également que les appareils puissent résister au climat du pays, peu clément avec les chambres noires. Outre la rudesse des transports, la chaleur et l’humidité déforment le bois qui les compose. Afin d’éviter l’apparition de raies de lumière dans ses appareils, Maxime du Camp les solidifie avec des baguettes de cuivre.[2] En 1842, l’archéologue allemand Karl Richard Lepsius ne rapporte aucune image photographique de son voyage en Egypte, car il casse malencontreusement son daguerréotype.[3] Le premier guide Joanne est peu précis sur les précautions à adopter afin de protéger le matériel photographique. Dans une unique référence à la photographie, il indique que « les appareils à photographie nécessiteront nécessairement un équipement particulier, mais les voyageurs, malheureusement peu nombreux, qui se livrent à ce genre de travaux savent d’avance s’organiser chacun suivant sa spécialité. »[4]

Jules Itier, daguerréotypiste « amateur », emporte un daguerréotype dont la fabrication est vraisemblablement de facture Lerebours, pour un long voyage en Asie et au Moyen-Orient à la fin de l’année 1843. Il se trouve en Egypte fin 1845. Au Brésil puis en Chine, il emporte au moins deux chambres noires.[5] Nous reproduisons l’une d’entre elle en figure 12.

 

Figure 12. Chambre présumée Gaudin-Lerebours, deux châssis, un diaphragme et un obturateur utilisés par Jules Itier lors de son voyage en Chine.

 

 

Source : Gilbert Gimon, « Jules Itier – 1- », Prestige de la photographie, n°8, p. 93.

 

Le second châssis de cette chambre permet de réaliser des prises de vues de demi-plaque ; l’obturateur n’est qu’un bouchon que l’opérateur ôte pour exposer, et replace quand il juge le temps de pose suffisant. Tout comme Goupil-Fesquet, Itier utilise quelquefois un miroir pour redresser le sens de l’image sur le daguerréotype.[6] En Egypte, on peut penser que le photographe emporte avec lui la chambre noire reproduite ci-dessus ; si ce n’est pas le cas, la technologie est de toute façon similaire.

 

Concernant la photographie sur papier, plusieurs inventeurs ont cherché dès les débuts de cette technique à simplifier le travail du photographe itinérant en combinant la préparation chimique du papier à la prise de vue dans la chambre noire. Selon Helmut Gernsheim, Scott Archer, l’inventeur de la technique du négatif sur verre au collodion humide, réfléchit dès 1849 à une chambre noire qui incorpore dans son volume un compartiment pour réaliser des manipulations chimiques.[7] L’historien évoque également la chambre photographique de Newton datant de 1852, qui possède quatre compartiments : un bain sensibilisateur, un bain de développement, un bain de fixage et un bain de rinçage. Cependant, les systèmes de Archer et de Newton ne sont que très peu utilisés.[8] Le châssis négatif de voyage breveté par Charles Marville en 1851, et évoqué dans La Lumière, est quant à lui plus simple ; il « offre au photographe la possibilité de pouvoir faire impressionner successivement une quantité indéterminée de feuilles de papier préparées à sec, et cela sans qu’il soit nécessaire de se préoccuper de la recherche d’un endroit obscure pour opérer la substitution d’une feuille à une autre dans la chambre noire. »[9] Ce châssis permet donc de jouir de l’avantage d’une bobine de film souple sensibilisé, qui ne sera conçue qu’une trentaine d’années plus tard.  

            Les rudesses climatiques de l’Egypte et des autres pays méditerranéens inspirent également l’inventeur du négatif sur papier, Henry Fox Talbot. Dans une lettre datant du 23 novembre 1852, dont une traduction est transcrite dans la revue Cosmos, l’inventeur anglais détaille de façon précise une « chambre noire du voyageur » : « Un de mes amis, arrivé récemment d’un long voyage qu’il a fait en Egypte, en Syrie et dans d’autres endroits du Levant, et qui en a rapporté une grande collection de vues photographiques, m’a écrit relativement aux difficultés qu’il a éprouvées dans ces contrées à peine civilisées, où il n’y avait qu’une simple tente, quelquefois même, que son manteau, pour faire ses manipulations. Je crois donc que je rendrai service aux photographes voyageurs, en leur décrivant le moyen que j’emploie lorsque je suis obligé d’opérer dans un endroit éloigné d’habitations ou de lieux propres aux manipulations. »[10]

 

 

 

 

 

Figure 13. La chambre noire du voyageur de Henry Fox Talbot (1852). Tentative de reconstitution.

 

D’après : Henry Fox Talbot, « Photographie. La chambre noire du voyageur », Cosmos, revue encyclopédique hebdomadaire des progrès des sciences (…), tome deuxième, du 28 novembre 1852 au 9 juin 1853, p. 52-54.

 

La chambre photographique de Talbot est similaire dans son principe à celles de Archer et de Newton. Nous avons tenté d’en réaliser le schéma en figure 13, d’après les notes de l’auteur. La chambre noire est placée sur une tablette, sous laquelle sont fixés trois tiroirs. Chaque tiroir contient un agent chimique : une solution de nitrate d’argent, pour sensibiliser la feuille de papier ou la plaque de verre iodurée, une solution d’acide gallique ou de sulfate de fer, pour développer l’image latente après l’exposition, enfin un bain d’eau courante, pour éliminer l’agent de développement du négatif, de manière à pouvoir le manipuler ensuite à la lumière et à le fixer ultérieurement. Pour insérer le cadre qui maintient la surface sensible dans chaque tiroir, il faut coulisser la chambre d’avant en arrière, et abaisser le cadre de haut en bas à l’aide d’une poignée. Pendant tout le processus, la surface sensible reste donc au noir. Nous ne savons pas si cette solution, dont le principe conditionne une utilisation humide, a été pratiquée autrement que par son illustre auteur ; cependant, la simplicité du mécanisme est digne d’intérêt.

 

            Si le format des chambres photographiques utilisées pour la technique du négatif sur papier n’est pas forcément élevé[11], les photographes résidents développent dès la période du collodion l’usage du grand format. Dans les années 1880, certains photographes dont Antonio Beato, Wilhelm Hammerschmidt, Francis Frith ou G. Lékégian manipulent des chambres grand format utilisant des plaques sèches au gélatino-bromure d’argent, au format 16 x 20 inches, soit 40 x 50 centimètres.[12] La pratique de l’agrandissement étant encore peu répandue, ces grandes chambres permettent de réaliser des tirages aux dimensions que l’on pourrait qualifier d’exposition, et qui sont vendus assez cher aux voyageurs et touristes.

 

Figure 14. Anonyme. « Les pyramides » (détail). Photographie d’une chambre grand format (années 1880).

 

 

Source : Colin Osman, op. cit., p. 6. La masse importante au niveau inférieur de la chambre est un voile opacifiant qui permet la mise au point de l’image inversée sur le dépoli.

 

L’approvisionnement en matériel et en chimies photographiques :

 

            Une des interrogations importantes de notre étude a été de déterminer si les premiers photographes en Egypte au milieu du XIXe siècle ont eu la possibilité de se ravitailler en matériel et en chimies photographiques sur place, dans les grandes villes égyptiennes. Si cela est vérifié, il ne fait aucun doute que les produits disponibles au XIXe siècle sont importés d’Europe, par le service de la navigation à vapeur. Cependant, nous avons tenté de rechercher des résidents étrangers en Egypte, de nationalité principalement européenne, qui sont capables de fournir en matériel les photographes de passage ou de les conseiller, et ce autour des années 1850. Nous nous sommes fondés sur les indications et sur les récits de voyage de quelques voyageurs photographes.

           

            Il semble que les possibilités de ravitaillement en Egypte pour les photographes varient avec la technique de la surface sensible. Si Maxime du Camp emporte tout son matériel photographique en partant de Marseille, comme on le verra plus loin, il s’avère que les daguerréotypistes peuvent acheter des plaques de cuivre argentées ainsi que des produits chimiques au Caire, dans les années 1840. L’écrivain Gérard de Nerval évoque en effet, dans son Voyage en Orient, une pharmacie du Caire qui fournit en 1843 un produit utile pour le traitement de la plaque daguerrienne à l’un de ses amis peintres : « je rencontre à la pharmacie Castagnol mon peintre de l’hôtel français, qui fait préparer du chlorure d’or pour son daguerréotype. »[13] Le chlorure d’or sert en effet à réaliser le virage du daguerréotype après son fixage, afin de renforcer la couche image. Il n’est pas certain que ce pharmacien, probablement d’origine française[14], soit à l’époque au courant de la technique du daguerréotype, mais du moins possède-t-il les chimies nécessaires à son fonctionnement. Cela n’est pas étonnant dans un pays où les ophtalmies aiguës sont par exemple très courantes, et contre lesquelles les médecins prescrivent un collyre à base de nitrate d’argent, l’un des composés les plus utilisés en photographie.[15] Une lettre de l’écrivain à son père depuis Lyon datée du 25 décembre 1842 nous apprend que Nerval emporte avec lui un daguerréotype achetée probablement à Paris : « nos lits de voyage et le daguerréotype sont cause que nous avons un excédent de bagage très coûteux », écrit-il au sujet du voyage de Lyon à Avignon en bateau à vapeur.[16] Cette indication infirme une hypothèse récurrente selon laquelle Nerval aurait acheté son matériel photographique, ou du moins des produits pour la photographie à Malte[17] ; cette première conclusion est issue d’une phrase de Nerval dans une lettre envoyée à son père depuis Malte, le 8 janvier 1843 : « nous avons encore dépensé que fort peu, relativement, et il faut compter beaucoup d’achats de livre, armes, etc., ainsi que les choses relatives au daguerréotype ».[18] Concernant les chimies, nous pensons plutôt que l’écrivain économise sa bourse à Malte, pensant trouver les produits nécessaires au fonctionnement du daguerréotype au Caire ou à Alexandrie, s’il venait à en manquer. L’obtention du chlorure d’or dans la pharmacie Castagnol du Caire confirme d’ailleurs cette supposition.

            Un autre daguerréotypiste amateur que nous avons déjà évoqué, Jules Itier, achète au Caire trente plaques de cuivre vierges à un franc l’unité, fin 1845. Le photographe note également qu’il achète quatre autres plaques à Alexandrie, en janvier 1846.[19] 

            En contrepartie, les premiers photographes utilisant le négatif sur papier semblent à priori acheter l’intégralité du matériel en Europe, pour l’emporter avec eux. Certains se font également ravitailler depuis l’Europe, en faisant appel aux amis ou à la famille. A Paris, les photographes s’équipent en chimie chez de nombreux fournisseurs de produits photographiques, tels le marchand Scheurer, évoqué par La Lumière en 1851 : « un artiste héliographe, M. N. …, vient de partir pour l’Egypte dans le but d’explorer ce beau pays. Il emporte, à cet effet, une provision de papier tout préparé par les soins de l’un de nos marchands de produits, M. Scheurer. »[20] En 1858, La photographie, une revue publicitaire parisienne, cite le marchand J. Cayron, 14 cité Bergère, concernant la fourniture des produits chimiques et photographiques, ainsi que le marchand Defrance, 2 rue Saint Séverin, « fabricant d’appareils spéciaux pour la photographie, inventeur de la chambre à sac, dite de voyage ».[21] En 1853, le consul et photographe Victor Place, qui avait quitté Paris avec tout le matériel et les chimies nécessaires à la pratique du négatif sur papier, se fait expédier du collodion à Mossul, en Syrie, lorsqu’il découvre la nouvelle technique sur verre. L’orientaliste Louis-Félicien de Saulcy fait acheter à Paris des produits photographiques pour Auguste Salzmann, installé à Rhodes.[22]

Au début de l’année 1856, le jeune peintre, sculpteur et photographe Auguste Bartholdi est en Egypte ; il demande dans une lettre adressée à son ami Emile Jacob « 150 demi-feuilles de papier ciré et préparé ; j’entends par demi-feuilles, des feuilles qui m’en fournissent deux pour un châssis 27-21. Avec cela, nitrate d’argent 350 grammes, acide acétique, acide gallique et hyposulfite de soude en proportion, (…) portefeuilles pour papier photographique. »[23] Une partie de ce papier ciré provient de la maison parisienne Marion, plusieurs négatifs portant le tampon n°111.[24] Un papier ciré et préparé signifie que la technique utilisée est celle du papier ciré sec de Le Gray, et que la feuille cirée a été ensuite iodurée. Bartholdi n’a plus qu’à sensibiliser cette feuille avec un bain de nitrate d’argent et d’acide gallique. Le photographe reste cependant maître de ses dosages et des composés chimiques qu’il introduit dans les solutions. Après une nouvelle demande de Bartholdi à sa mère le 18 février 1856, celle-ci lui envoie enfin à Alexandrie une caisse contenant « les affaires de photographie », mais le matériel arrive trop tard, le photographe ayant quitté l’Egypte pour le Yémen.[25]

            En 1860, on sait grâce à une indication du photographe Henry Cammas qu’il est possible d’acheter en Egypte des chimies photographiques ainsi que des accessoires de laboratoire, et vraisemblablement du matériel de prises de vue. Dans La Vallée du Nil, Henry Cammas et son ami André Lefèvre écrivent en appendice : « nous avons toujours employé des produits que nous recevions de France. Mais on trouvera tous les accessoires utiles, y compris les papiers positifs et négatifs, à Alexandrie, chez Barbet, pharmacien, au commencement de la rue Franque, et au Caire, chez Ammerschmidt, dans le Mousky. Barbet, depuis longtemps établi à Alexandrie, indiquera des ouvriers intelligents pour la réparation des instruments que la chaleur détériore. »[26] D’après Gilbert Gimon, le pharmacien Barbet est né en 1806 à Saint Jean de Luz.[27] Henry Cammas, qui utilise la technique du papier ciré sec en Egypte, indique en premier lieu la disponibilité de papier négatif ; quant au papier positif, utile pour le tirage, il sert moins au voyageurs photographes, qui préfèrent tirer leurs négatifs de retour en Europe, qu’aux premiers photographes résidents. Il ne fait par ailleurs aucun doute que Barbet ou Hammerschmidt fournissent vers 1860 des accessoires et chimies pour la technique du négatif sur verre au collodion.

            Si l’indication de Cammas est précieuse, elle est malheureusement trop isolée, et nous n’en avons pas trouvé d’autres pour la fin des années 1850 et le début des années 1860. Bien que les villes égyptiennes regorgent de bazars, ceux-ci ne vendent à priori que des produits locaux sans rapport avec la photographie. Tout au plus peut on évoquer la présence depuis les ottomans d’une forte corporation de fabricants de tente parmi les marchands du Caire. S’ils fournissent des cordes de tente, des ceintures de tentes, des selles de chameau ou de cheval ainsi que des longes,[28] il se peut également qu’ils aient équipé quelques praticiens du collodion avec les fameuses tentes à photographie.

            Concernant le matériel de voyage non photographique, les voyageurs ont le choix entre l’achat en Europe ou dans les bazars égyptiens ; en 1861, le guide Joanne conseille à Paris le Bazar du voyage, au 25 rue de la Paix. En Egypte, on peut trouver ânes, chevaux, chameaux, tente, armes et munitions etc. Le guide prévient également les voyageurs qu’on ne trouve en général plus rien à acheter après avoir quitté le Caire, pour remonter le Nil.[29]

 

Les conditions de travail du daguerréotypiste en Egypte :

 

            La première photographie prise sur le continent africain est réalisée le 7 novembre 1839, par Frédéric Goupil-Fesquet, en présence de Muhammad ‘Ali. Le daguerréotype, perdu depuis, représente le harem de Muhammad ‘Ali à Alexandrie.[30] Goupil-Fesquet a suivi son oncle, le peintre Horace Vernet, en Egypte ; les deux hommes sont arrivés la veille à Alexandrie. A Paris, l’opticien Lerebours les a hâtivement équipé d’un daguerréotype de sa conception, en leur expliquant le protocole de prises de vue et en les chargeant de ramener des images du Proche-Orient. Mais sur place, le neveu a beaucoup de mal à manipuler le curieux appareil ; Horace Vernet, lui, n’essaie même pas. Goupil-Fesquet relate dans un ouvrage le déroulement de la première prise de vue de l’histoire sur le sol égyptien : « tout a été préparé d’avance pour n’avoir plus qu’à soumettre l’épreuve à la chambre obscure, et à faire paraître l’image dans le mercure. (…) Un cabinet ayant vue sur le harem (…) nous est ouvert. La chambre obscure est braquée devant la nature, et l’image qui se reflète dans le miroir est soumise à l’inspection des assistants ébahis, personne ne comprend comment le fonctionnaire qui se promène devant le porte, peut agir et remuer la tête en bas sans tomber. La plaque iodée remplace le verre dépoli, et l’opération ne dure que deux minutes. (…) …faire l’obscurité pour le passage de la plaque au mercure (…) [Le silence] est rompu par le bruit soudain d’une allumette chimique, et le reflet argenté rejaillit pittoresquement sur tous ces visages de bronze. »[31]

 

Figure 15. Horace Vernet. Harem de Méhémet Ali à Alexandrie. Lithographie d’après le daguerréotype original. 1840. Gérard Lévy et François Lepage, Paris.

 

 

Source : Nissan Perez, op. cit., p. 228.

 

On remarquera l’utilisation du miroir, qui permet de redresser l’image sur le daguerréotype dont le sens initial est inversé. Au Caire, le peintre et son neveu rencontrent le canadien d’origine suisse, Pierre Gaspard Gustave Joly de Lotbinière ; celui-ci est également pourvu d’un daguerréotype. Selon Nissan Perez, il est certainement équipé à Paris par le même opticien Lerebours.[32] Goupil-Fesquet et Joly de Lotbinière photographient alors souvent les mêmes sujets ; au Caire, ils logent tout deux à l’hôtel Whaghorn. Si le français échoue dans sa tentative de photographier la citadelle du Caire, il décrit assez bien la prise de vue : « après un repos de deux heures environ à notre pied-à-terre, où le décapage de plaques daguerriennes nous sert de passe-temps, je me dirige avec armes et bagages photogéniques vers la citadelle… (…) Grâce au soin que j’ai apporté au polissage et à la préparation de mes plaques, j’espère obtenir une très belle épreuve de l’aspect extérieur de la citadelle du Caire, et pendant que mon artiste mécanique travaille, (…) je fais des vœux photogéniques. » De retour à l’hôtel, Goupil-Fesquet développe ses plaques, et de même pour Joly : « M. Joly et moi, chacun de notre côté, nous procédons à la mercurisation des épreuves. »[33]

En novembre 1839, le canadien se place à 320 mètres de la pyramide de Chéops, et expose sa plaque neuf minutes. Son aide, trop curieux, voile plusieurs daguerréotypes en ouvrant en plein soleil la boîte à développement, pour voir ce qui s’y déroule.[34] Sur le même site, Goupil-Fesquet a d’autres difficultés : « quatre ou cinq épreuves manquées en suivant le procédé de l’inventeur, nous jettent dans le plus profond embarras. »[35] Effectivement, rentrer d’Egypte sans une image des pyramides est difficilement concevable. Le jeune homme modifie alors son protocole : « j’ai la patience, et à moi seul il est vrai, de préparer encore une dizaine de planches que je polis tant bien que mal et avec toute la rapidité possible ; je m’avise de faire le contraire des prescriptions de M. Daguerre et, grâce à cet expédient, j’obtiens successivement quatre et cinq épreuves tant du sphinx que des pyramides, en laissant les images exposées pendant quinze minutes au soleil. »[36] A Philae, Joly de Lotbinière n’est pas encore habitué au maniement du daguerréotype : la boîte contenant les vapeurs de mercure pour développer les plaques lui résiste puis cède, libérant le mercure gazeux dans la figure du photographe.[37]

Vingt ans après le périple des deux français, on trouve dans La Lumière l’unique référence à Horace Vernet, sans aucune mention de son neveu. M. La Gavinie relate une aventure très romancée, soi-disant arrivée au peintre à Alexandrie, en compagnie de Muhammad ‘Ali.[38] En un mot, le peintre aurait réussi à s’introduire dans le harem du vice-roi, en lui fournissant des plaques de cuivre non iodées, et donc non sensibilisées. Cette histoire, à la conclusion douteuse, n’est pas vraisemblable[39] ; elle est surtout révélatrice des fantasmes de l’occident envers les mystères voilés de l’Egypte. D’après elle, Muhammad ‘Ali aurait appris à manipuler le daguerréotype, « étudiant soir et matin les procédés du nouvel art. » Tentant de photographier sans succès dans son harem, « il envoie chercher par un esclave l’éminent artiste, qui arrive avec l’empressement qu’on peut imaginer. »

Le français Joseph-Philibert Girault de Prangey est quant à lui plus entraîné. Il s’initie au daguerréotype dès 1841, au cours de ses déplacements en France. Il débute un « Grand Tour » en Orient en 1842, en ayant eu le soin de faire fabriquer une malle capitonnée pour emporter avec une sécurité maximale le matériel nécessaire à la pratique du daguerréotype. Il photographie en Egypte au cours de l’année 1843. A son retour en France en 1844, il ne remporte pas moins de 831 daguerréotypes.[40] Girault de Prangey utilise une chambre noire fonctionnant avec des plaques d’environ 24 x 18,6 cm. Cependant, il prend également des clichés avec des plaques coupées en deux, ou en plusieurs sections : le 24 x 9 cm, et même à de rares occasions le 24 x 4,5 cm lui permettent de prendre des vues panoramiques, tandis que la division de la plaque en deux dans l’autre sens ( 18,6 x 12 cm) ou bien en quatre (11,8 x 9,4 cm) lui donnent la possibilité de prendre des vues verticales… et de réaliser quelques économies. Grâce à des objectifs à longue focale, Girault de Prangey réalise quelques gros plans. Cependant, s’il tente bien de réaliser des portraits, il n’a pas de réussite, devant le peu d’enthousiasme des habitants et du fait de la lenteur du procédé.[41]

Entre décembre 1845 et janvier 1846, l’inspecteur des douanes Jules Itier remonte le Nil jusqu’à Philae. Ce photographe « amateur » a emporté avec lui un daguerréotype, et réalise en Egypte une trentaine de clichés inégaux. Il revient d’un voyage en Asie, où il a déjà pratiqué le daguerréotype. Le 7 juillet 1843, il écrivait de Singapour  dans son journal: « je m’étais muni d’un daguerréotype, et le bonze me permit de le poser sur l’autel, pour prendre l’intérieur de la porte principale ornée de colonnes torses en granit sculpté. »[42] Peut-être parce qu’il a beaucoup de mal à trouver des plaques vierges, Itier découpe souvent celles-ci en deux, voire en quatre.[43] Selon Gilbert Gimon, la qualité relative des images d’Egypte de Itier est à mettre en relation avec l’état initial assez médiocre du plaqué d’argent sur les daguerréotypes vierges achetés par le photographe ; de plus, Itier ne serait pas assez minutieux avec le polissage de la plaque avant sensibilisation.[44]

 

Bien que les images de Jules Itier ne peuvent être qualifiées de chefs-d’œuvre[45], elles ont cependant le mérite d’exister encore de nos jours. D’autres praticiens du daguerréotype sont quant à eux moins chanceux ou débrouillards que les personnes précédemment citées. Gérard de Nerval, tout d’abord, emporte avec lui un daguerréotype plus par curiosité que par un désir suffisant de revenir en France avec une importante collection d’images du Proche-Orient. De retour en France, il écrit laconiquement dans une lettre à son père datée du 24 décembre 1843 que « le daguerréotype est revenu en bon état, sans que j’ai pu en tirer grand parti. Les composés chimiques nécessaires se décomposèrent dans les climats chauds ; j’ai fait deux ou trois vues tout au plus ; heureusement j’ai des peintres amis, comme Dauziats et Rogier, dont les dessins valent mieux que ceux du daguerréotype. »[46] Ayant embarqué à Marseille le 1er janvier 1843 à bord du Mentor, l’écrivain fait escale à Naples et à Malte, une île qu’il quitte le 9 janvier à bord du Minos, pour rejoindre Alexandrie via Syra. Quelques semaines plus tard, Nerval loge au Caire, à l’hôtel Domergue, et y fait la connaissance d’un peintre sourd qui lui donne des leçons de daguerréotypie : « je me décidai à prendre conseil du peintre de l’hôtel Domergue, qui avait bien voulu déjà m’introduire dans son atelier et m’initier aux merveilles du daguerréotype ».[47] C’est d’ailleurs ce peintre énigmatique, dont l’écrivain ne donne pas le nom, qui fait préparer du chlorure d’or à la pharmacie Castagnol. Dans son livre, Nerval évoque également une séance de prises de vue aux côtés du peintre sourd : « nous chevauchions ainsi, le peintre et moi, suivis d’un âne qui portait le daguerréotype, machine compliquée et fragile qu’il s’agissait d’établir quelque part de manière à nous faire honneur. »[48] Nerval poursuit : « nous installons sur des piquets l’appareil où le dieu du jour s’exerce si agréablement au métier de paysagiste. » Pendant que l’écrivain communique avec le vieux peintre en écrivant des phrases sur un bout de papier, « le soleil travaille sur ses plaques fraîchement polies ».[49] De fait, si Nerval utilise quelquefois son daguerréotype, il agit surtout comme un témoin de la prise de vue orchestrée par le peintre sourd. Selon Bodo von Dewitz, Nerval cite également une séance de pose en compagnie du même praticien, avec des vendeuses d’oranges en tant que modèles. La prise de vue semble complexe à réaliser, les femmes ne voulant pas que leurs visages apparaissent sur l’image.[50] Une lettre à son ami Théophile Gautier indique que Nerval a au moins réalisé un daguerréotype réussi ; en évoquant un kiosque dans les jardins de Rodda, non loin du Caire, il écrit à Gautier : « je regrette de ne pouvoir t’envoyer mon épreuve daguerréotypée de ce dernier qui est à Schoubra. »[51] Le jour même où il écrit cette lettre, Nerval quitte le Caire afin de poursuivre son voyage en Syrie.

            Jean-Jacques Ampère, le fils du scientifique André Ampère, voyage en Egypte en 1844 avec le dessinateur Paul Durand, avec comme mission officielle la vérification des données recueillies par Champollion. Cet ami d’enfance de Jules Itier emporte également avec lui le matériel utile au daguerréotype. Sur place, il semble qu’il ne réussisse pas à le faire fonctionner ; de nos jours, on ne connaît aucune de ses images.[52]

 

Les conditions de travail du photographe utilisant le négatif sur papier :

 

            Le passage de la plaque de cuivre argenté à la feuille de papier est une petite révolution dans le monde de la photographie. La prise de vue ne fournit plus une image positive directe et unique, mais un fragile négatif sur papier que l’on peut tirer désormais à loisir pour obtenir plusieurs images positives. Si les différences entre un papier salé et un daguerréotype en terme de contraste et de rendu des détails sont évidentes, la nouvelle technique modifie également l’intégralité du protocole de préparation et de développement de la surface sensible. Les voyageurs photographes délaissent les boîtes à vapeur d’iode ou de mercure au profit de nombreuses fioles en verre contenant de diverses chimies. Les précieuses plaques de cuivre sont remplacées par des feuilles de papier, que l’on peut emporter en grand nombre : les photographes les plus patients ne sont donc plus limités dans la quantité d’images à réaliser, et tout lieu devient susceptible d’être photographié.[53]

            En mars 1855, un photographe anonyme probablement britannique détaille dans La Lumière le matériel qu’il utilise pour réaliser des calotypes en voyage.[54] Cette liste permet de se rendre compte des réalités pratiques de la photographie sur papier :

 

            . un cahier de papier brouillard contenant des papiers préalablement iodurés

            . une main de papier brouillard rose, stockée dans une cuvette en gutta-percha

            . une baguette de verre dans un étui

            . un verre graduée conique pour 7g, commode pour filtrer sans entonnoir

            . des filtres à papier

            . une planche pour placer les négatifs pendant le développement

            . de l’eau distillée dans un flacon en gutta-percha[55] d’un quart de litre de capacité

            . 90g d’acéto-nitrate d’argent dans un flacon à l’émeri

            . 2g de nitrate d’argent

            . une solution d’acide acétique

            . 7g d’acide gallique dans une bouteille de 2 onces

            . une pièce de calicot[56] jaune, de 12 pieds sur 5, pour « couvrir la fenêtre de la chambre où l’on opère »

            . une chambre noire à charnières, dans un étui de cuir

            . un pied articulé

 

            Si les manipulations sont plus importantes que celles nécessaires au traitement d’un daguerréotype, elles sont aussi moins mystérieuses. En variant les dosages, en ajoutant ou en éliminant un produit, les photographes observent les différences de rendu de l’image négative et optimisent les formulations. C’est pourquoi il est difficile de recenser la totalité des procédés de négatif sur papier, étant donné que certains n’ont été utilisés que par leur auteur.[57] De plus, les photographes amateurs en Europe sont tenus au courant des multiples procédés de négatif sur papier par le biais de nombreux traités, ainsi que par les « leçons de photographie », pouvant être suivies dans les capitales.  

 

Déterminer l’identité du premier photographe en Egypte utilisant le procédé du négatif sur papier est chose difficile. En juin 1839, l’écossais Alexander Keith tente sans succès de réaliser des négatifs papier en Palestine. Il tiendrait la connaissance d’un tel procédé non pas de Fox Talbot, mais du docteur Andrew Fyle.[58] En 1846, George Wilson Bridges débute un périple qui va durer plus de sept ans ; ce citoyen britannique traverse l’Italie, Malte, la Grèce, la Turquie, la terre Sainte, l’Egypte et le reste de l’Afrique du nord, emportant avec lui le matériel nécessaire pour la pratique du négatif papier. Cependant, il ne semble visiter l’Egypte que pendant l’année 1851.[59] Un de ses concitoyens, Claudius Galen Wheelhouse, utilise également le calotype au Proche-Orient, de 1849 à 1850. Il se rend notamment en Egypte, jusqu’à Assouan, un site qu’il photographie ; cependant, nous ne savons pas la date de son voyage dans ce pays. D’après Nir Yeshayahu, du Camp et Flaubert arrivent à Jérusalem peu après Wheelhouse.[60] Nous ne pouvons que qualifier du Camp et Wheelhouse de « premiers calotypistes en Egypte ».

 

L’exploration photographique du jeune du Camp est le point de départ d’une vaste campagne photographique dans le pays d’Egypte, qui s’étend pour la technique du négatif sur papier jusqu’au début des années 1860. L’un des photographes à lui succéder est l’irlandais John Shaw Smith, technicien doué qui utilise la technique du papier ciré. En décembre 1850, il est en Egypte et commence sa moisson photographique. Selon Nissan Perez, il utilise la méthode humide, et adapte le procédé du papier ciré aux fortes chaleurs égyptiennes.[61] En effet, Shaw Smith indique plus tard dans un article du bulletin de la Société française de photographie que pour son procédé de négatif papier par voie humide, il sélectionne le papier et la formulation de l'ioduration en fonction de la température ambiante.[62] Par ailleurs, le photographe réalise des vues d’ensemble ainsi que des clichés très cadrés, que l’on pourrait qualifier de plans rapprochés.

John Bulkley Greene, membre fondateur de la Société française de photographie, réalise plus de deux cents négatifs sur papier ciré lors d’un voyage en Egypte de l’automne 1853 au printemps 1855. Méticuleux, il classe ces derniers selon ce qu’ils représentent : « M » pour des clichés de monuments, « I » pour des clichés d’inscriptions et « P » pour des paysages.[63] Malheureusement, nous n’en savons pas plus sur la technique utilisée par Greene ; s’il est admis qu’il utilise le procédé du papier ciré de Gustave Le Gray, il a pu en varier les dosages, ou manipuler en mode humide ; en effet, on voit parfois sur ses images une petite tente-laboratoire. Sa grande maîtrise dans la prise de vue de reliefs à l’intérieur des temples ainsi qu’une communication réalisée à l’Académie des sciences le 3 juillet 1854 agite le milieu photographique de l’époque, qui pense comme l’Académie à un nouveau procédé très sensible.[64] Dans La Lumière, on peut lire que « M. le secrétaire perpétuel Flourens a présenté, au nom de M. J.-B. Greene, une épreuve photographique sur papier, représentant le bas-relief d’un des anciens tombeaux des environs d’Athènes. (…) L’artiste a dû vaincre de grandes difficultés pour obtenir ces reproductions dans des bas-fonds tout à fait obscurs, il a employé des moyens pratiques peu connus. »[65] Une semaine après, le photographe rectifie : « dans votre dernier numéro, vous annoncez que j’ai découvert le moyen de faire des épreuves photographiques dans les lieux obscurs. Je n’ai jamais eu cette prétention. J’ai simplement dit que j’avais le moyen de reproduire, par une nouvelle application de la photographie, les sculptures et inscriptions des intérieurs, quelles que fussent les conditions d’éclairage et de position. Cette dernière condition excluait l’emploi immédiat de la chambre noire. L’application dont je parle est la reproduction des estampages. »[66] Greene parle donc du moyen de reproduire en plusieurs exemplaires un estampage déjà réalisé, tout simplement en le photographiant. Mais il se peut également qu’il tire ce même estampage, à la manière d’un négatif ; de cette façon, il obtient sur le tirage final un négatif de l’estampage, ce qui n’est pas une gêne puisque pour ce genre de sujets, seul le tracé compte.[67]         

            Pour conclure sur les photographies d’Egypte de John Bulkley Greene, nous désirons évoqué l’aspect granuleux et velouté de ses tirages, dont le rendu photographique et artistique est unanimement reconnu. Bien que nous ne tarissions pas d’éloge sur les points de vue et les sujets sélectionnés par Greene, nous pensons que tout comme les photographes Ernest Benecke ou Auguste Bartholdi, Greene ne maîtrise pas le grain de son image. Si le papier du tirage positif entre en jeu dans l’aspect final de l’image, le type de papier négatif est primordial ; par ailleurs, le photographe emporte avec lui un ou plusieurs types de papier négatif déterminés. Sur place, exceptés les tests qu’il peut effectuer avec ces différents papier, il ne dispose pas d’éléments de comparaison pour affiner la qualité de ses négatifs. Or, l’aspect granuleux de la majorité des tirages de Greene aurait pu être qualifié d’anomalie par ses contemporains ; nous pensons plus particulièrement à une imprégnation inégale des chimies dans le papier, qui aurait pu provoquer un dépôt argentique trop dispersé à l’intérieur de ses fibres. En réalisant le tirage de tels négatifs, on retranscrit leur granulation argentique sur le papier positif, tout en diminuant les grands écarts de densité et les défauts de l’épreuve négative, dans le cas du procédé de tirage sur papier salé, car celui-ci possède un faible contraste.[68]

            Au contraire de John Bulkley Greene, le jeune Auguste Bartholdi qui arrive en Egypte le 18 novembre 1855 est peu expérimenté dans la pratique de la photographie sur papier. Il prend quelques leçons de photographie en juillet 1854 à Paris, et réalise ses premiers négatifs sur papier le même été en forêt de Meudon, puis à Colmar au cours de l’automne.[69] Cependant, il semble qu’en Egypte Bartholdi expérimente de nombreuses formules concernant la préparation de ses négatifs. Christian Kempf, qui a observé ces négatifs, indique que leurs tons sont très diversifiés, du noir au gris en passant par le jaunâtre et le violacé. Parfois, le photographe a inscrit quelques mots sur ses négatifs : « ioduré simple », « gélatiné », « I simple ».[70] La lettre de Bartholdi à son ami Emile Jacob, évoquée précédemment, nous apprend qu’il utilise des feuilles de papier préalablement cirées. Les inscriptions qu’il nous laisse se rapportent à l’étape de ioduration du négatif ; c’est d’ailleurs cette étape qui est la plus étudiée et modifiée par les photographes des années 1850, car un nombre très important de chimies peut y être incorporé, avec parfois bien peu de différence dans le rendu photographique du négatif. On sait par ailleurs que Bartholdi n’a pu pratiquer la photographie à Aden, faute d’eau distillée ; l’eau courante de ce pays n’était pas assez pure pour un usage photographique. Le jeune photographe a alors attendu un vapeur anglais revenant des Indes pour se ravitailler en eau distillée.[71] Il ne peut donc pas ou il n’a pas l’idée de distiller lui-même de l’eau. De plus, Bartholdi photographie avec des feuilles de 22,5 par 29 cm au maximum, et les fixe dans le châssis à l’aide d’une plaque de verre de 26,6 par 20,7 cm, maintenue dans les quatre angles.[72] L’utilisation de la plaque de verre pour maintenir le papier à plat a été proposée par Louis-Désiré Blanquart-Evrard dans son premier traité, en 1847[73] ; concernant Bartholdi, la présence de cette plaque ne peut pas nous renseigner sur la méthode utilisée, humide ou sèche, la première solution nécessitant de préparer le négatif peu avant la prise de vue, à proximité de la chambre photographique.

            En 1860, alors que la majorité des photographes tant amateurs que professionnels pratiquent le collodion humide ou sec, le français Henry Cammas préfère utiliser le papier ciré sec au cours des neuf mois qu’il passe en Egypte. Ce choix ne doit pas paraître rétrograde, car, comme on le verra, les inconvénients du collodion sont nombreux.[74] Dans son commentaire technique précédemment évoqué, Henry Cammas note également les principaux problèmes qu’il a rencontrés : « l’extrême chaleur évapore les agents chimiques et les formules varient avec la température. La poussière est le fléau de la photographie ; on ne s’en défend que par les soins les plus vigoureux. »[75] En effet, toutes les chimies sont en solution aqueuse, et elles subissent donc l’évaporation. Des composés comme le nitrate d’argent étant très coûteux, le photographe doit récupérer précieusement les solutions après usage. Certaines peuvent être utilisées jusqu’à épuisement, mais d’autres doivent être purifiées, ou recyclées. Par ailleurs, Henry Cammas semble plus rusé que Bartholdi dans la recherche de l’eau distillée. Il poursuit ainsi : « quant à l’eau distillée, nous nous donnions d’abord beaucoup de peine pour en obtenir ; mais un savant voyageur que nous vîmes à Philae nous indiqua une méthode bien simple. Il suffit d’une ou deux poignées de lentilles jetées dans l’eau du Nil. Depuis cette heureuse rencontre, nous n’avons rien fait de plus dans nos clichés, qui étaient sur papier. » Nous avons peu d’opinion sur l’activité purificatrice des lentilles dans l’eau du Nil, mais nous ne pouvons pas réfuter ce subterfuge, faute de l’avoir expérimenté. S’il fonctionne effectivement au XIXe siècle, ce moyen détourné ne peut être qu’idéal. Le guide Joanne de 1878 tend d’ailleurs à le confirmer.[76] Finalement, Henry Cammas termine ses recommandations en laissant un goût d’inachevé : « nous avions pensé à donner un tableau sommaire des heures les plus favorables à la reproduction des monuments ; mais elles changent avec les saisons ; l’opportunité est d’ailleurs affaire d’opinion et de goût. (…) Les installations ne présentent en général aucune difficulté, soit qu’on opère dans la barque pour les procédés secs, soit qu’on établisse un laboratoire dans quelque coin des ruines. »[77] 

            Presque dix ans auparavant, l’ingénieur civil Félix Teynard n’a pas eu de difficultés à trouver les meilleures heures pour exposer ses négatifs sur papier, étant donné la qualité de ses images. Cependant, le site archéologique d’Abou Simbel est pour lui l’occasion de mesurer les limites de son matériel de prises de vue. Photographiant le petit spéos entre 1851 et 1852, Félix Teynard est gêné par le manque de recul, car le Nil coule juste devant le temple.

 

 

 

 

 

 

 

Figure 16. Maxime du Camp. Abou Simbel (détail). Le petit spéos devant le Nil (1850).

 

 

Source : Jean-Claude Simoën, L’Egypte éternelle. Les voyageurs photographes au siècle dernier, Jean-Claude Lattès, Paris, 1993, p. 128.

 

Le photographe note l’effet disgracieux des fuyantes dans les trois images qu’il doit réaliser pour prendre l’ensemble du spéos : « comme on est obligé de s’établir sur la berge même du Nil, le point de vue est trop bas : les statues se présentent en raccourci exagéré ; elles perdent leur forme élégante, deviennent courtes, trapues ; comme le plan du tableau n’est pas vertical, les lignes verticales elles-mêmes ont un point de fuite, ce qui fait apparaître les statues à moitié couchées sur la montagne, tandis que les piliers qui les séparent semblent plus larges à la partie inférieure qu’à la partie supérieure. (…) Dans un pays où l’on ne peut se procurer même une pièce de bois, il est impossible de songer à s’établir sur un échafaudage qui, en permettant de s’élever davantage, ferait disparaître ces graves inconvénients et dégagerait la façade des blocs, des mimosas et des halfes qui masquent la partie inférieure. »[78] Si cet échafaudage souhaité par Teynard permettrait en effet de diminuer les fuyantes et d’harmoniser la largeur des piliers, sa réalisation est bien trop complexe. Ce dont Teynard aurait eu besoin, c’est d’un décentrement vertical d’un des deux corps de sa chambre noire. Ainsi, bien avant l’apparition de la possibilité de mouvement des éléments d’une chambre photographique, l’ingénieur pose le problème de la correction de la perspective.

Figure 17. Correction de la perspective avec une chambre à décentrement vertical.

 

 

Source : Urs Tillmanns, Bases et applications. Grand format créatif, Sinaredition, Feuerthalen, 1992, p. 38.

 

            Dans les années 1860, bien que les premières chambres comportant deux corps séparés par un soufflet apparaissent, elles ne possèdent pas encore de bascules ou de décentrement. Le plan de la surface sensible reste toujours perpendiculaire à l’axe optique, à l’instar des reflex petit format actuels. Les décentrements n’apparaissent qu’au début du XXe siècle ; comme on peut le voir sur la figure 17, ils permettent de redresser les fuyantes d’un bâtiment, dans le cas où le plan du film lui est parallèle. D’autres photographes des années 1850 et 1860 usent d’un stratagème bien simple pour éliminer le problème de perspective rencontré par Félix Teynard : ils traversèrent le Nil, et réalisent une vue d’ensemble du petit spéos…

            L’œuvre de Félix Teynard est également intéressante pour les parois intérieures de plusieurs temples, que l’ingénieur réussit à photographier. Bien qu’il écrive que « le manque de lumière et (…) la dégradation naturelle dans un lieu toujours ouvert rendent les épreuves photographiques très difficiles à obtenir »[79], Teynard réussit dans cette entreprise, mais sans révéler sa méthode. Selon Kathleen Stewart Howe, le photographe pourrait exposer plusieurs heures son négatif papier.[80] Il semble donc qu’il ne cherche pas à augmenter la luminosité du sujet, comme vont le faire quelques années plus tard les praticiens du collodion. Dans l’introduction de son album, Félix Teynard résume le quotidien du photographe : « isolé dans une contrée sans ressources, il ne peut compter que sur lui ; pressé par le temps, la lenteur des moyens de communication ne lui permet pas de revenir sur ses pas[81] ; nomade, son installation est toujours provisoire, et les préparations délicates de la photographie doivent se faire, tantôt avec le roulis d’une barque à la voile[82], tantôt sous une tente dressée au milieu du désert. »[83] Il ressort de ce passage un comportement indispensable pour le photographe en Egypte dans les années 1850 : faire preuve de rigueur.  

      

Les conditions de travail du photographe utilisant le négatif sur verre au collodion :

 

            Dans son traité de 1850, le photographe Gustave Le Gray, évoquant le procédé de négatif sur verre albuminé de Niépce de Saint-Victor inventé en 1846, propose l’usage du collodion en lieu et place de l’albumine. Cependant, le premier à fournir un procédé complet de négatif sur verre au collodion humide est le sculpteur anglais Scott Archer en mars 1851.

            Face à l’aspect granuleux et peu contrasté du négatif sur papier, les caractéristiques d’une plaque de verre négative au collodion amènent un véritable progrès au niveau de l’image : le support verre, de par sa transparence, ne parasite plus l’image argentique comme le fait le papier. Les photographes n’ont plus à optimiser la qualité des différents papiers du commerce ; il leur suffit de se munir de plaques de verre exemptes de défauts. Par ailleurs, les nouvelles chimies utilisées pour la préparation et le développement du négatif sur verre au collodion fournissent une image argentique beaucoup plus contrastée que celle du négatif sur papier. La photographie devient plus nette et plus distincte, et s’adapte donc mieux aux besoins de l’archéologie et de l’égyptologie. Enfin, grâce à une sensibilité physico-chimique plus importante que celle du procédé de négatif sur papier, la photographie sur verre au collodion humide permet de plus en plus la présence humaine à l’intérieur de l’image.

            Pour les photographes, cependant, le gain obtenu au niveau de la qualité de l’image est la seule amélioration fournie par le nouveau procédé. Les manipulations sont tout aussi nombreuses, voire plus que celles nécessaires à l’obtention d’un négatif papier. La malle photographique à l’usage du collodion humide inventée par Charles Chevalier vers 1860, représentée en figure 18, illustre bien par sa multitude de flacons et de compartiments la complexité du processus de création des négatifs sur verre. Si le procédé du papier ciré sec de Gustave Le Gray permet d’effectuer les travaux de laboratoire le soir ou le matin, et donc en dehors de la prise de vue, avec le procédé de Scott Archer, le photographe doit préparer sa plaque sur place, car celle-ci doit être exposée encore humide dans la chambre noire. C’est pourquoi les praticiens du collodion sont les plus nombreux à se poser la question d’un lieu obscur où préparer et développer les plaques de verre.

 

Figure 18. Malle photographique Charles Chevalier pour collodion humide (vers 1860).

 

 

Source : Collection du Musée français de la photographie. Bièvres (Essonne). Inv. 89.7216.

 

            La photographie sur verre au collodion est également l’occasion pour les photographes de rechercher une méthode plus ou moins simple pour éclairer l’intérieur des temples égyptiens, afin de prendre des clichés. Plutôt que d’exposer de longues heures la surface sensible à la manière de Félix Teynard, les praticiens du collodion tentent de faire entrer la lumière extérieure dans les endroits sombres à l’aide de réflecteurs, ou expérimentent les premières solutions de lumière artificielle inventées en Europe. Ces méthodes sont nécessaires, car le procédé au collodion humide est encore peu sensible, en comparaison du procédé au gélatino-bromure d’argent.

 

Helmut Gernsheim énumère le matériel nécessaire au photographe utilisant le négatif sur verre au collodion humide. Outre le trépied, plusieurs optiques, des chimies du commerce ou réalisées par lui, l’opérateur doit emporter avec lui de nombreuses et lourdes plaques de verre, de la vaisselle, des poids et mesures, un verre doseur, un entonnoir, un seau et une tente portative en guise de laboratoire. Le plus souvent, cette tente est un grand sac en calicot jaune dans lequel on installe un support monté sur trépied et dans lequel on s’enferme pour opérer. Ce matériel évoqué par Helmut Gernsheim tient dans une boîte et pèse environ 7 kg ; si le photographe ne réussit pas à installer sa tente à l’ombre, on peut imaginer l’atmosphère suffocante qui règne dans ce petit espace clos et obscur.[84]

 

            En ce qui concerne la préparation et le développement des plaques, la « tente à photographie » est la solution la plus universelle, mais pas la plus satisfaisante. Dès les années 1850, des photographes comme Greene ou de Clercq utilisent de telles tentes.

 

 Figure 19. Anonyme. Les ustensiles nécessaires à la préparation et au développement de négatifs sur verre dans la niche d’un temple égyptien (détail). Vers 1870, collection H. W. Vogel.

 

 

Source : Fikret Adanir, Bodo von Dewitz, An den süssen Ufern Asiens. Ägypten. Palästina. Osmanisches Reich. Reiseziele des 19. jahrhunderts in frühen Photographien, Agfa Foto-Historama, catalogue de l'exposition du 7 octobre au 4 décembre 1988 au Römisch-Germanischen Museum, Köln, 1988, p. 145.

 

Au début des années 1880, Pascal Sebah utilise encore une tente blanche ou jaune assez vaste, plus grande que celles de Francis Frith, pour sensibiliser ses plaques de verre.[85] Certains photographes se satisfont des ruines et des pièces sombres des temples pour opérer, comme du Camp, Le Gray, Frith ou Cammas. Les traces de telles manipulations chimiques dans la pénombre des temples égyptiens sont extrêmement rares ; c’est pourquoi la figure 19 est exceptionnelle. Ce tirage sur papier albuminé représente un photographe autour de 1870 avec le matériel nécessaire pour préparer les plaques de verre au collodion. Le photographe – est-ce l’homme visible sur la photographie ? – vient de préparer sa plaque à l’abri de la pénombre d’un temple, et réalise le cliché de ce laboratoire improvisé. Bien que notre reproduction soit de piètre qualité, on peut apercevoir sur l’image originale, de gauche à droite, des flacons en verre, des cruches, des plaques de verre, une première boîte en métal (peut-être une balance), de la ficelle, des cuvettes métalliques, des bols ou des flacons ainsi qu’une autre boîte en métal (peut-être une boîte à rainures pour stocker les précieux négatifs sur verre après leur développement). 

            Une autre possibilité pour les photographes assez fortunés est d’installer un laboratoire photographique à l’intérieur de la dahabieh utilisée pour remonter le Nil. Nous avons déjà évoqué l’exemple du photographe professionnel Hippolyte Arnoux, qui privilégie ce mode de travail et de déplacement.

Quant au laboratoire ambulant, installé dans une diligence ou un chariot et tractée par un cheval, peu de photographes le plébiscitent. La période d’activité des deux frères Zangaki, deux photographes précédemment évoqués, déborde notre étude ; cependant, ces deux personnes choisissent la solution du laboratoire tracté à cheval dans les années 1880, de manière à pouvoir accéder à l’ensemble des sites de l’Egypte. Leur diligence-laboratoire leur sert également d’enseigne publicitaire, avec sa grande inscription de couleur rouge « Zangaki Bros, Photographers ».[86]

 

 

 

 

Figure 20. Zangaki. Laboratoire ambulant des Zangaki au Lac Mariout (détail). Vers 1880.

 

 

Source : Colin Osman, op. cit., p. 4.

 

            Dans un ouvrage de Publio Lopez Mondéjar, on trouve une photographie stéréoscopique représentant le laboratoire ambulant utilisé par le photographe William Atkinson pour réaliser des prises de vue du nouveau chemin de fer espagnol, vers 1855. Ce petit laboratoire est une plate-forme supportée par un trépied, protégée de la lumière grâce à une petite tente qui la recouvre, tenant vraisemblablement grâce à une structure métallique légère. Bien que ce système semble commode, nous ne connaissons aucun photographe à l’avoir utilisé en Egypte. 

 

Figure 21. Laboratoire ambulant utilisé par William Atkinson en Espagne. Vers 1855.

 

Source : Publio Lopez Mondéjar, Historia de la fotografia en Espana, Lunwerg, Barcelone, Madrid, 1997, p. 38.

 

La pratique de quelques photographes nous sert à mieux appréhender les nouveautés du procédé au collodion. L’expérience de Félix-Jacques-Antoine Moulin est ainsi intéressante pour comprendre les nécessités d’une « expédition photographique ». L’homme est l’un des premiers photographes français à utiliser le procédé du collodion humide, lors d’un voyage en Algérie de 1856 à 1857. Photographe professionnel possédant un studio à Paris, Félix-Jacques-Antoine Moulin envoie plusieurs lettres d’Algérie au journal La Lumière au sujet du déroulement de son voyage. Dans sa première lettre, il confirme l’ampleur de sa mission : « j’ai eu quelque peine à m’installer avec 1100 kg de bagages. » Plus loin, Moulin note que, gêné dans ses manipulations photographiques par l’eau d’Alger trop calcaire, il aurait fait préparer de l’eau distillée à la pharmacie centrale s’il n’en avait finalement trouvé dans un commerce de la ville.[87] Une autre lettre témoigne de l’intérêt du climat égyptien pour la photographie : Moulin subit en Algérie de fortes précipitations pendant tout l’hiver 1856, et ce jusqu’au mois de mai. Dépité, il note que « partis d’Alger avec un matériel assez considérable, tentes, cantines, provisions, tous nos soins ont été portés à les garantir d’une pluie battante… »[88] Finalement, Félix-Jacques-Antoine Moulin est de retour en France après un périple de dix-huit mois, rapportant 448 vues et 11 panoramas.

 

            En Egypte, l’un des photographes les plus connus utilisant le procédé du collodion humide est sans aucun doute Francis Frith. Tout comme Félix-Jacques-Antoine Moulin, il fait preuve d’une véritable logistique dans l’organisation de ses voyages et dans la préparation de son matériel photographique. Cet anglais s’initie à la photographie dans les années 1850, et participe à la création de la Liverpool photographic society et de la Royal photographic society en 1853. De 1856 à 1860, il réalise trois voyages au Proche-Orient, en visitant à chaque fois l’Egypte. Pour son premier voyage de septembre 1856 à juillet 1857, Francis Frith est accompagné de Francis Herbert Wenham, un ingénieur en optique et en mécanique.[89] Ce dernier fait construire un petit yacht pour remonter le Nil.[90] Alors qu’il mettait huit minutes en Angleterre afin d’exposer sa plaque de verre au collodion humide, Francis Frith n’expose souvent plus que pendant trente secondes en Egypte. En novembre 1857, il repart seul en Egypte et réalise des prises de vue dans des conditions difficiles, manipulant les produits chimiques dans les tombeaux et subissant des températures qui s’élèvent jusqu’à 55°C.[91] A ce sujet, la littérature évoque souvent les mémoires de Francis Frith où sont énumérés les nombreux dangers qui guettent le photographe en Egypte : maladies, insectes hostiles, chauve-souris des temples et tombeaux, voleurs de grand chemin etc. Si aucune de ces réalités ne peut être niée, il faut toutefois reconnaître qu’elles s’abattent rarement ensemble sur les photographes au XIXe siècle. Dans son troisième voyage, Frith a compris que son mode de villégiature passé à manipuler dans les tombeaux n’est pas adapté à une exploration photographique d’envergure ; au cours de son dernier voyage en Egypte pendant l’été 1859, insatisfait de ses tentes photographiques et de l’accueil précaire des tombeaux, il se fait construire et envoyer d’après ses propres plans un chariot-laboratoire, qui lui sert également de chambre à coucher.[92] On sait également que Frith emploie des récipients doublés d’une couche de liège, de manière à ce qu’ils résistent mieux aux chocs.[93]

 

Figure 22. Francis Frith. Le temple de Dendérah (détail). Une tente laboratoire du photographe.

 

 

Source : Jean-Claude Simoën, op. cit., p. 80.

 

La recherche d’un endroit où manipuler n’est pas la seule préoccupation de Francis Frith : il s’aperçoit aussi que le collodion, une substance liquoreuse, est peu adapté à la chaleur et à la poussière de l’Egypte. Il remarque fréquemment que le collodion bout et s’évapore lorsqu’on le verse sur la plaque de verre ; de plus, tant les mouches que le sable et la poussière se fixent sans retenue sur la plaque de verre fraîchement collodionnée.[94] Or, la plaque doit être exposée humide et à la suite de sa sensibilisation dans la solution d’acéto-nitrate d’argent, car sa sensibilité physico-chimique est d’autant plus grande que la surface sensible est humide. Au cours de ses trois voyages, le photographe aura utilisé quatre formats de prises de vue, avec trois appareils différents : le 18 x 23 cm (7 x 9 pouces), le 20 x 25 cm et le 40 x 50 cm, auxquels il faut ajouter des vues stéréoscopiques.

 

En 1863, le vicomte Aymard Athanase de Banville pratique le collodion humide pendant plus de cinq mois en Egypte, aux côtés de l’égyptologue Emmanuel de Rougé. Trois ans après l’ouvrage de Henry Cammas, de Banville fournit dans une publication des conseils très précieux pour les photographes amateurs utilisant le procédé du collodion humide. Après une introduction où le vicomte se targue d’avoir réussi les prises de vue de statues de pierres « antiphotographiques », il fournit de nombreux détails sur l’utilisation de la lumière et sur la préparation et le développement de ses plaques :

 

« Bien choisir l’éclairage favorable au sujet que l’on veut prendre : en Egypte, un sujet, comme une vue, n’est jamais bien éclairé plus de 10 à 12 minutes dans la journée.

Si vous voulez prendre un beau négatif d’une muraille hiéroglyphique, attendez toujours l’éclairage frisant, très-prononcé, plutôt outré qu’autrement.[95]

Poussez toujours vos négatifs au noir pour tout ce qui est inscriptions et bas-reliefs.

Que la pose soit longue et le collodion peu rapide, pour que les creux viennent avec des détails, autrement vous n’auriez que les parties saillantes des signes, toujours beaucoup trop éclairées par rapport au reste.

Que vos produits soient bien purs ; pour le collodion, appuyez-vous sur la base alcoolique et n’employez que le moins d’éther possible.

Bain d’argent faible et acide. Employez toujours comme révélateur le sulfate de fer, avec une forte dose d’acide acétique, pour conserver les blancs. Renforcez à l’acide pyrogallique à 2/500 et nitrate à 8 pour 100. Ne craignez pas d’y ajouter quelques gouttes d’acide nitrique pour conserver toujours la pureté des blancs.

N’oubliez jamais de gommer les épreuves ; car la chaleur est tellement intense sous les tentes photographiques que le collodion se détache souvent en séchant. »[96] 

 

            Le commentaire sur la prise de vue de bas-reliefs est intéressant : il démontre que le procédé du collodion humide possède un contraste élevée, puisque de Banville est obligé de limiter celui-ci en employant du collodion « peu rapide », c’est à dire une plaque de verre dont la sensibilité physico-chimique a été diminué en la laissant sécher un peu après sa sensibilisation. De cette manière, on obtient une densité maximale sur le négatif au niveau « des parties saillantes des signes », mais également des densités suffisantes au niveau des « creux », ce qui évite d’avoir au tirage une image composée uniquement de blancs ou de noirs. Par ailleurs, le conseil d’utiliser le moins possible d’éther est à mettre en relation avec les problèmes d’évaporation rencontrés dans les tentes photographiques. Des produits nécessaires à la préparation d’une plaque de verre au collodion, l’éther est le composé le plus volatile et donc le plus réactif à la chaleur.

 

            Au-delà des difficultés de manipulations des plaques collodionnées, les photographes cherchent également à résoudre le problème du manque de lumière à l’intérieur des temples. La première solution employée est de mener la lumière extérieure à l’endroit désiré. Auguste Mariette en explique la méthode dans un ouvrage majeur qui détaille ses fouilles et ses découvertes.[97] Dans le paragraphe suivant, le célèbre égyptologue décrit la reproduction photographique de la table d’Abydos, une grande liste royale, dans le temple de Séti 1er : « elle est gravée sur une des parois d’un long corridor situé dans la partie méridionale du temple. Ce corridor ne reçoit de l’extérieur qu’une lumière insuffisante pour la photographie. Le soleil n’y pénètre jamais. Ne disposant d’aucuns des moyens que les découvertes récentes mettent à disposition des photographes et permettent d’opérer dans l’obscurité, j’aurais renoncé à faire figurer la « Table d’Abydos » dans la collection du Voyage, si M. Billiet, chargé des opérations photographiques, n’avait pas réussi à faire entrer dans le corridor des rayons de soleil réfléchis par le moyen d’un miroir, et assez persistants pour produire les épreuves que nous avons sous les yeux. »[98] Malheureusement, Auguste Mariette ne fournit aucun renseignement sur le photographe Billiet, et indique uniquement dans l’introduction de son ouvrage que quelques photographies reproduites ont été réalisées par Théodule Dévéria. On sait par ailleurs que l’égyptologue a employé des photographes professionnels comme Délié, Béchard et Brugsch, et qu’il a lui-même pratiqué la photographie.[99]

            Concernant la table d’Abydos, Mariette conçoit que les photographies obtenues ne sont pas esthétiquement parfaites. Mais, comme il le note, « la photographie a des exigences auxquelles on ne saurait échapper. En tout cas, c’est un véritable service rendu que de pouvoir introduire ici un texte qui est mis désormais entre les mains des savants dans sa plus scrupuleuse fidélité. »[100]

            Un autre photographe opte en 1860 pour la solution du réflecteur. Léon Eugène Méhédin, architecte de profession, réalise des prises de vue le 15 août 1860 au temple d’Abou Simbel. Bien qu’une note de La Lumière, écrite avant son départ en Egypte, indique que Méhédin va utiliser la lumière électrique pour photographier à l’intérieur des temples,[101] celui-ci effectue des clichés dans la salle des piliers osiriaques du grand temple d’Abou Simbel à l’aide d’un grand miroir argenté, placé à 45 degrés au milieu de l’entrée, et dont la surface avoisine les 25 mètres carrés, selon les dires du photographe.[102] La performance est d’autant plus appréciable que Méhédin utilise le procédé de négatif sur papier.

L’emploi d’un grand réflecteur pour éclairer un sujet est ingénieux, mais l’efficacité de ce procédé est limité lorsque l’on désire photographier dans un endroit ou une pièce d’un temple très éloigné de l’ouverture initiale vers l’extérieur. L’astronome écossais Charles Piazzi Smyth, directeur de l’observatoire d’Edimbourg, est confronté à ce problème puisqu’il veut réaliser des prises de vues du sarcophage du pharaon Chéops, à l’intérieur de la grande pyramide. On est alors en 1864, et le photographe sait que des solutions de lumière artificielle sont expérimentées en Europe. En effet, Henry Fox Talbot utilise avec succès l’énergie électrique en juin 1851, et plusieurs autres inventeurs fabriquent du matériel d’éclairage à l’énergie électrique, tel le réflecteur parabolique de Gaudin et Delamarre. Mais à l’époque de Charles Piazzi Smyth, les recherches s’orientent vers les propriétés lumineuses des photogènes, des poudres inflammables à la composition variée, mais surtout vers celles du magnésium : la première photographie souterraine éclairée par combustion d’un fil de magnésium est réalisée par Alfred Brothers en 1864.[103] C’est ce dispositif que Charles Piazzi Smyth décide d’utiliser à l’intérieur de la grande pyramide, en avril 1865. Manquant de moyens, il construit une petite chambre photographique qui utilise des plaques de verre de 2,5 x 7,5 cm. L’écossais utilise les procédés de négatif sur verre au collodion humide ou bien sec.[104] Pour chaque prise de vue, le photographe enflamme un triple ruban de fils de magnésium, l’obturateur de sa chambre noire ouvert. Si ce mode opératoire fournit bien des images, les séances de prises de vue sont très éprouvantes : Charles Piazzi Smyth doit attendre une journée entre chaque vue, afin que la fumée dégagée par la combustion du magnésium se dissipe suffisamment…[105] En effet, les courants d’air à l’intérieur de la grande pyramide sont très faibles ; de plus, la fumée parasite également l’image en voilant les plaques négatives.

Nous pouvons également citer le photographe allemand Hermann Wilhelm Vogel, qui réalise une expédition en Egypte en 1868 pour effectuer des clichés de bas-reliefs des temples. Selon Nissan Perez, il utilise également le magnésium pour photographier à l’intérieur des pièces obscures.[106] A la fin du XIXe siècle, le magnésium en poudre et non plus en fil fournira des résultats plus acceptables pour l’éclairage artificiel.

 

Devant l’ampleur du travail à accomplir pour réaliser des clichés sur plaque de verre au collodion humide, on pourrait penser que la solution du procédé au collodion sec est un atout considérable pour la photographie en Egypte. Ce procédé permet en effet de retrouver l’avantage du papier ciré sec, à savoir une préparation préalable du négatif en-dehors de la prise de vue, le matin ou bien le soir. Cependant, le collodion utilisé sec à le désavantage d’être trois à cinq fois moins sensible que le collodion utilisé humide. Les photographes ont alors du mal à accepter le fait de ne plus pouvoir réaliser des images intégrant des personnes. Bien que la possibilité d’emporter avec soi d’Europe des plaques de verre préparées soit un progrès, la fabrication de celles-ci laisse parfois à désirer. Au début des années 1870, le duc de Luynes, voyageant alors au Proche-Orient, manque des prises de vue ; d’après ses notes, « les plaques de verre, mal préparées à Paris, ne prirent passablement qu’une seule image (…) ; les autres ne se montrèrent pas sous les réactifs révélateurs. »[107] Le guide Joanne conseille donc plutôt de préparer ses plaques sèches le matin et le soir, et de les exposer pendant la journée. Nous terminons ce chapitre par le texte correspondant extrait de ce guide, qui expose de manière claire le mode opératoire des procédés à sec.

 

 « Pour la photographie, chacun naturellement s’outillera suivant le procédé qui lui est habituel. Nous pouvons seulement recommander, d’une manière générale, au voyageur qui ne fait de photographie que pour son usage personnel, les procédés à sec (collodion sec, albumine sèche), comme les plus commodes en voyage : ils dispensent le voyageur d’emporter une tente. Le soir, à l’hôtel ou au campement, on sensibilise les plaques qui devront servir le lendemain ; au bout d’une heure elles sont sèches, et peuvent être placées dans les châssis fermés, que l’on peut conserver ainsi 2 ou 3 jours. Le soir aussi, on développe les clichés que l’on aura pris sur le terrain dans la journée. Nous disons le soir, parce qu’une des difficultés principales, en Orient, est de trouver un local suffisamment obscur pour servir de laboratoire photographique. Les chambres d’hôtel n’ont pas de volets fermant hermétiquement. Les cabines des bateaux à vapeur et des dahabiehs sont souvent aussi trop mal protégées contre l’invasion de la lumière, pour qu’on puisse y travailler avant la nuit tombée. En attendant ce moment favorable, on pourra travailler dans tous ses campements ; mais cela demande une patience à toute épreuve et une grande persévérance. Dans ces conditions, le bagage photographique se réduit à deux caisses et au pied de l’instrument. Une des caisses, matelassées à l’intérieur, contiendra les produits chimiques, les bains, la verrerie, etc. Une seconde caisse contiendra la chambre noire, la boîte aux objectifs, les glaces préparées, les ustensiles divers, le voile noir pour mettre au point. On fera bien, pour l’Egypte, de faire recouvrir celui-ci de laine blanche sur sa face extérieure : on ne risquera pas ainsi d’étouffer de chaleur pendant que l’on sera, sous le voile, occupé à mettre au point. Enfin le pied, ou plutôt le trépied à coulisses qui sert de pied à la chambre noire, devra être enveloppé d’une forte gaine de cuir, pour ne pas être exposé à être brisé, ou à perdre les écrous qui servent à en fixer les pièces. Les caisses doivent être laissées au campement. Le voyageur, pendant le jour, ne prendra avec lui, sur son cheval ou sur son âne, que le trépied-support et la caisse contenant la chambre noire, les objectifs, le voile et 8 à 10 châssis contenant les plaques sensibles (on ne peut guère faire davantage en une journée). Quel que soit le volume donné par les châssis (un châssis par épreuve), ils sont préférable à la boîte à escamoter, qui en Orient n’est pas un préservatif assez sûr contre la lumière. Le soir, on développe et on fixe les épreuves prises dans la journée. Il va sans dire qu’en voyage, on ne doit prendre que les clichés négatifs ; les épreuves positives se font au retour. Il faut enfermer les clichés, à mesure, dans des boîtes à rainures bien fermées, qu’on entourera de papier noir dès qu’elles seront pleines, et résister énergiquement aux sollicitations des compagnons de voyage qui voudraient les regarder, même le soir à la lampe : sans cette précaution, on risque fort de perdre tout le fruit de son travail, et de ne rapporter que des clichés détériorés. Les procédés secs suffisent pour les monuments et les paysages : le temps de pose, par les procédés les plus sensibles, est d’environ 2 min ½ à 3 min. (…) Les procédés humides seront toujours supérieurs quand on voudra faire des épreuves véritablement artistiques. Ils ont l’avantage de pouvoir donner des épreuves instantanées et des portraits, mais ils nécessitent une tente noire et un matériel plus considérable. »[108]

 

            Nous avons choisi de limiter notre étude des débuts de la photographie à l’ouverture du canal de Suez en 1869.[109] Plusieurs photographes exercent leur art à l’occasion de l’inauguration du canal, mais seuls le français Adolphe Braun et son représentant à Paris Amédée Mouilleron sont officiellement invités par Isma’il en tant que photographes, sous le terme générique de délégués aux Arts.[110] Le khédive leur offrant un voyage en Haute-Egypte, Adolphe Braun et Gaston Mouilleron, le fils d’Amédée Mouilleron, en profitent pour photographier. Parmi les tirages en 24 x 30 cm, les cartes de visite et les vues stéréoscopiques de l’album, on ne trouve aucune photographie des cérémonies d’ouverture du canal.[111] Avant même la finition du canal, d’autres photographes réalisent des clichés de l’avancée des travaux et des méthodes d’excavation ; c’est le cas de Hippolyte Arnoux et de Justin Kozlowski, un photographe polonais qui travailla sur le tronçon entre Port Said et Ismaïlia. La photographie prend alors une nouvelle fonction : elle doit prouver la réalité des travaux aux investisseurs européens, et plus seulement agrémenter un album de souvenirs ou compléter un ouvrage d’égyptologue.

 



[1] Lerebours, « De la matière des objectifs », La Lumière, 7 février 1852, p. 26. « Des objectifs », 15 janvier 1852, p. 18. Lerebours indique à cette même page que presque toutes les chambres noires de l’époque suivent la proportion de Daguerre, à savoir un diaphragme placé à « une distance égale à 1/7 de la distance focale de l’objectif », et une ouverture égale à environ 1/16 de cette même distance focale. 

[2] Maxime du Camp, La Lumière, 28 août 1852, p. 144.

[3] Nissan Perez, op. cit., p. 191.

[4] Adolphe Joanne, Emile Isambert, op. cit., p. XXXII.

[5] Gilbert Gimon, « Jules Itier – 1- », Prestige de la photographie, n°8, p. 84-86.

[6] Ibid., p. 87.

[7] Helmut Gernsheim, The history of photography 1685-1914, from the camera obscura to the beginning of modern era, Mc Graw-Hill Book Company, New York, 1969, p. 279.

[8] Ibid., p. 279.

[9] « Châssis négatif de voyage », La Lumière, 17 août 1851, p. 112.

[10] Henry Fox Talbot, « Photographie. La chambre noire du voyageur », Cosmos, revue encyclopédique hebdomadaire des progrès des sciences (…), tome deuxième, du 28 novembre 1852 au 9 juin 1853, p. 52. La lettre est retranscrite en annexe n° 4, p. 131-132.

[11] Les négatifs de Maxime du Camp ont une taille moyenne de 17 x 22 centimètres ; Auguste Bartoldi utilise un châssis de 27 x 21 centimètres.

[12] Colin Osman, op. cit., p. 6.

[13] Gérard de Nerval, Voyage en orient, réédition, Nouvelle Librairie de France, Paris, 1999, p. 166.

[14] Nerval écrit à la même page : « un autre lieu de refuge contre la vie orientale est la pharmacie Castagnol, où très souvent les beys, les muchirs, et les nazirs originaires de Paris viennent s’entretenir avec les voyageurs et retrouver un souvenir de la patrie. (…) Cette affluence s’explique aussi par le voisinage de la poste franque, située dans l’impasse qui aboutit à l’hôtel Domergue », où d’ailleurs loge temporairement l’écrivain. Cet hôtel est situé dans le Mousky.

[15] Le guide Joanne de 1861 prescrit un « collyre fort », composé de 1g de nitrate d’argent pour 30g d’eau distillée, contre l’ophtalmie purulente. Adolphe Joanne, Emile Isambert, op. cit., p. XXX.

[16] Gérard de Nerval, Œuvres complètes, op. cit., p. 1387. Comme nous l’avons vu, les compagnies de navigation à vapeur surtaxent l’excédent de bagage.

[17] Comme on peut le lire par exemple dans le catalogue de Marie-Thérèse et André Jammes, op. cit., p. 2. « Cela lui coûta cher en excédents de bagages et en produits qu’il acheta au passage à Malte. »

[18] Ibid., p. 1390.

[19] Gilbert Gimon, « Jules Itier : -2- Le voyage en Egypte : 1845-1846 », Prestige de la photographie, n°9, avril 1980, p. 8-10. Gilbert Gimon indique également que Itier achète 25 plaques vierges à Manille en décembre 1844. Il s’étonne qu’à Alexandrie, Itier ne peut acheter que quatre plaques, et remarque : « le matériel daguerrien était-il à ce point plus rare à Alexandrie qu’à Manille ? » Selon Gimon, le vendeur des plaques à Alexandrie est peut-être le pharmacien Barbet. Op. cit., p. 10.

[20] La Lumière, 6 avril 1851, p. 35. L’article se poursuit ainsi : « Notre artiste n’a donc point à s’inquiéter du temps que lui prendraient, dans un coûteux voyage, les soins à donner à de longues et minutieuses manipulations ; il n’aura plus, pour ainsi dire, qu’à braquer son appareil sur les sites et les monuments qu’il lui plaira de dessiner sur sa route ; puis, de retour en France, avec une ample provision de clichés, il tirera de ceux-ci ou en fera tirer autant de reproductions positives que nécessitera l’empressement des amateurs à se les procurer. »  Serait-ce une publicité voilée de la maison Scheurer ?

[21] La photographie. Journal des publications légalement autorisées, n°1, 2 octobre 1858, p. 7.

[22] Claire Bustarret, op. cit., p. 162 ; annexe, p. 58-59.

[23] Christian Kempf, Régis Hueber, D’un album de voyage. Auguste Bartholdi en Egypte (1855-1856), catalogue de l’exposition du 15 juin au 15 septembre 1990 au musée Bartholdi à Colmar, Editions d’Alsace, Colmar, 1990, p. 21.

[24] Le fournisseur Auguste Marion peut être considéré à juste titre comme l’un des premiers émulsionneurs ; dans les années 1860, il commercialise des négatifs papiers déjà sensibilisés, que le photographe amateur n’a plus qu’à insérer dans le châssis de sa chambre photographique. A ce sujet, lire Nicolas Le Guern, op. cit., p. 51, 63.

[25] Christian Kempf, Régis Hueber, op. cit., p. 39.

[26] Henry Cammas, op. cit., p. 458.

[27] Gilbert Gimon, « Jules Itier, daguerreotypist », History of photography, vol. 5, n°3, juillet 1981, p. 244.

[28] André Raymond, Artisans et commerçants au Caire au XVIIIe siècle, tome 1, Institut français de Damas, Damas, 1973, p. 348.

[29] Adolphe Joanne, Emile Isambert, op. cit., p. XXXI.

[30] Deborah Bull, Donald Lorimer, Up the Nile. A photographic excursion : Egypt 1839-1898, C. N. Potter Inc., New York, 1979, p. viii.

[31] Frédéric Goupil-Fesquet, Voyage d’Horace Vernet en Orient, Challamel, Paris, 1843, p. 33.

[32] Nissan Perez, op. cit., p. 181.

[33] Frédéric Goupil-Fesquet, op. cit., p. 107. Concernant le matériel, l’auteur écrit que « le daguerréotype n’est pas un des plus minces embarras du voyage, par son volume et par son poids. » Ibid., p. 46.

[34] Nissan Perez, op. cit., p. 182.

[35] Frédéric Goupil-Fesquet, op. cit., p. 121.

[36] Ibid., p. 123.

[37] John Wood, The scenic daguerreotype. Romanticism and early photography, University of Iowa Press, Iowa City, 1995, p. 40.

[38] « Chronique », La Lumière, 30 juillet 1859, p. 123. Le texte est repris en annexe n° 1, p. 125. L’article original est du journaliste Pitre-Chevalier, « Le daguerréotype au harem », Journal des journaux, vol. 1, janvier 1840, n. p.

[39] Ne serait-ce que parce que les médecins de Muhammad ‘Ali lui ont interdit l’accès à son harem, nous apprend Goupil-Fesquet…

[40] Nissan Perez, op. cit., p. 168. L’auteur cite sa source : C. de Simony, Une curieuse figure d’artiste, Girault de Prangey, J. Belvet, Dijon, 1937, p. 4-7.

[41] Nir Yeshayahu, The Bible and the image. The history of photography in the Holy Land 1839/1899, University of Pennsylvania, s. l., 1985, p. 40-43.

[42] Jules Itier, Journal d’un voyage en Chine en 1843, 1844, 1845, 1846 (…), Dauvin et Fontaine, Paris, 1848, p. 211.

[43] Par exemple, un de ses daguerréotypes, réalisé avec une demi-plaque, mesure 11 par 15,2 cm. « Philae », in Anne de Mondenard, Roger Thérond, Une passion française, photographies de la collection Roger Thérond, Filipacchi, Paris, 1999, p. 311.

[44] Gilbert Gimon, « Jules Itier : -2- Le voyage en Egypte : 1845-1846 », op. cit., p. 8-10.

[45] Elles restent cependant des « chefs-d’œuvre » documentaires.

[46] Gérard de Nerval, op. cit., 1411.

[47] Gérard de Nerval, Voyage en Orient, op. cit., p. 158.

[48] Ibid., p. 167.

[49] Ibid., p. 169.

[50] Fikret Adanir, Bodo von Dewitz, op. cit., p. 21.

[51] Lettre du 2 mai 1843. Gérard de Nerval, Oeuvres complètes, op. cit., p. 1396.

[52] Nissan Perez, op. cit., p. 125.

[53] Si la sensibilité photochimique des négatifs papier est un peu plus importante que celle du daguerréotype, elle ne permet toujours pas l’instantanéité de la prise de vue. Sur les rares photographies de personnes, les modèles prennent tous la pose, immobiles.

[54] « Notes à l’usage des photographes en voyage », La Lumière, 17 mars 1855, p. 41.

[55] Sorte de gomme obtenue par solidification du latex de certains arbres. Bien avant l’apparition du plastique, les flacons en gutta-percha sont utiles en voyage car ils résistent mieux aux chocs que les flacons en verre.

[56] Toile de coton assez grossière.

[57] Pour consulter les formulations chimiques des principales variantes du papier ciré sec de Gustave Le Gray, lire Nicolas Le Guern, op. cit., annexes, p. XII à XXIII.

[58] Nir Yeshayahu, op. cit., p. xiii et 82. Voir la préface de l’ouvrage de Keith, Evidence of the truth of the Christian Religion, W. White, Edinburgh, 1844.

[59] Nissan Perez, op. cit., p. 142. L’auteur indique que les seules dates certaines de l’itinéraire de Bridges sont novembre 1850 à Jérusalem, et le 17 janvier 1851 en Egypte. 

[60] Nir Yeshayahu, op. cit., p. 51. A Jérusalem, du Camp réalise trois clichés dont les points de vue sont identiques à ceux de  Wheelhouse.

[61] Nissan Perez, op. cit., p. 222.

[62] Bulletin de la Société française de photographie, année 1857, p. 320.

[63] Bruno Jammes, « John B. Greene, an american calotypist », History of photography, vol. 5, n°4, October 1981, p. 309.

[64] Ibid., p. 310.

[65] « Sciences », La Lumière, 8 juillet 1854, p. 105.

[66] « Correspondances », La Lumière, 22 juillet 1854, p. 115.

[67] Si cette hypothèse est la bonne, nous pensons que Greene cire l’estampage avant de réaliser le tirage, afin de diminuer son opacité. Henry Fox Talbot cirait ses négatifs de la même manière, après leurs développements et avant de les tirer.

[68] On remarque d’ailleurs sur une grande quantité de tirages depuis des négatifs papier le tramé initial de ces derniers. Concernant notre cas, un examen des précieux négatifs de John Bulkley Greene serait utile pour corroborer l’hypothèse proposée.

[69] Christian Kempf, Régis Hueber, op. cit., p. 17-18.

[70] Ibid., p. 21.

[71] Ibid.

[72] Ibid., p. 22.

[73] Louis-Désiré Blanquart-Evrard, Procédés employés pour obtenir les épreuves de photographie sur papier, Charles Chevalier, Paris, 1847.

[74] Tout comme Henry Cammas, Louis de Clercq choisit le papier ciré sec en 1859 pour photographier en Syrie et en Asie Mineure. Lire à ce sujet Eugenia Parry Janis, Louis de Clercq. Voyage en Orient, Cantz, Stuttgart, 1989, p. 62.

[75] Henry Cammas, op. cit., p. 458.

[76] « La qualité de l’eau est un point capital en photographie ; en Egypte, il n’y a nulle difficulté : l’eau du Nil est d’une pureté admirable, dès qu’on l’a filtrée pour la débarrasser de son limon. »  Emile Isambert, op. cit., p. XLVI.

[77] Ibid.

[78] Félix Teynard, Egypte et Nubie. Sites et monuments les plus intéressants pour l’étude de l’art et de l’histoire. Atlas photographié accompagné de plans et d’une table explicative servant de complément à la grande description de l’Egypte, Goupil et Cie, Paris, 1858, in Kathleen Stewart Howe, Félix Teynard, calotypes of Egypt : a catalogue raisonné, Hans P. Kraus, New York, 1992, p. 131.

[79] Ibid., p. 130.

[80] Ibid., p. 151.

[81] N’oublions pas qu’en 1851 et 1852, il n’est pas encore question de chemins de fer en Egypte.

[82] Félix Teynard remonte le Nil sur une dahabieh, qui lui sert également de laboratoire.

[83] Félix Teynard, op. cit., p. 108.

[84] Helmut Gernsheim, op. cit., p. 276.

[85] Colin Osman, op. cit., p. 6.

[86] Colin Osman, op. cit., p. 4.

[87] Félix-Jacques-Antoine Moulin, lettre d’Alger du 14 mars 1856, in « La photographie en Algérie », La Lumière, 22 mars 1856, p. 46.

[88] Lettre d’Alger du 9 juin 1856, ibid., 21 juin 1856, p. 97. Dans cette lettre, Félix-Jacques-Antoine Moulin indique qu’il a croisé le photographe John Bulkley Greene, en route pour Cherchell.

[89] Pam Roberts, in Jean Vercoutter (présenté par), L’Egypte à la chambre noire. Francis Frith, photographe de l’Egypte retrouvée, Gallimard, Paris, 1992, p. 101-103.

[90] Jean-Claude Simoën, L’Egypte éternelle. Les voyageurs photographes au siècle dernier, Jean-Claude Lattès, Paris, 1993, p. 30.

[91] Pam Roberts, op. cit., p. 102.

[92] Ibid., p. 104.

[93] Claire Bustarret, op. cit., p. 126.

[94] Si le collodion ioduré est mal appliqué sur la plaque de verre, des raies et des zébrures peuvent apparaître sur les négatifs développés. Albert Goupil, qui réalise des plaques de verre au collodion humide en Egypte en 1868, est confronté à ce problème. Lire Sylvie Aubenas, Jacques Lacarrière, op. cit., p. 35.

[95] De Banville est trop restrictif sur le petit quart d’heure de bon éclairage quotidien des temples ; certes, c’est bien le cas pour capter la brièveté d’un éclairage frisant, mais pour une vue d’ensemble, les conditions lumineuses sont moins limitées dans le temps. Le guide Joanne conseille d’opérer avant 15 heures, idéalement le matin. Emile Isambert, op. cit., tome 2, 1878, p. XLVI.

[96] Vicomte de Banville, « Avertissement sur la méthode employée pour les photographies », in Emmanuel de Rougé, Album photographique de la mission remplie en Egypte, par Emmanuel de Rougé, accompagné de M. le vicomte de Banville et de Jacques de Rougé 1863-1864, L. Samson, Paris, 1865, n. p.

[97] Auguste Mariette-Pacha, Voyage en Haute-Egypte, Moures, Le Caire, 1878.

[98] Ibid., in Voyage dans la Haute-Egypte par Auguste Mariette-Pacha, réédition, Errance, Paris, 1999, p. 60.

[99] Nissan Perez, op. cit., p. 194.

[100] Auguste Mariette-Pacha, op. cit., p. 60.

[101] La Lumière, 15 mai 1858, p. 79.

[102] Marie-Thérèse et André Jammes, op. cit., p. 26.

[103] Helmut Gernsheim, op. cit., p. 426. Voir également Michel Frizot (sous la direction de), Nouvelle histoire de la photographie, Bordas, Paris, 1994, p. 285. L’avantage du magnésium sur les photogènes est l’émission d’une lumière plus vive et ponctuelle.

[104] Nissan Perez, op. cit., p. 222. Voir aussi Marie-Cécile Bruwier, Alain d’Hooge, Les trois grandes égyptiennes. Les pyramides de Gizeh à travers l'histoire de la photographie, Marval, Paris, 1996, p. 19.

[105] Helmut Gernsheim, op. cit., p. 426.

[106] Nissan Perez, op. cit., p. 229.

[107] Duc de Luynes, Voyages d’exploration à la mer Morte, à Palmyre, Pétra, et sur la rive gauche du Jourdain, Arthus Bertrand, Paris, vol. 1, 1871, p. 86. Cité par Claire Bustarret, op. cit., p. 127.

[108] Emile Isambert, op. cit., tome 2, 1878, p. XLV-XLVI.

[109] Comme nous l’avons déjà écrit, le canal de Suez marque une nouvelle ère pour la photographie en Egypte : les photographes voyageurs cèdent peu à peu la place aux photographes professionnels résidents.

[110] Christian Kempf, Adolphe Braun et la photographie, Lucigraphie, s. l., 1994, p. 51. Si Félix Teynard est également invité officiellement, il ne l’est pas en tant que photographe.

[111] Nissan Perez, op. cit., p. 142.