Rencontre avec six papiers cirés secs de la Mission héliographique

 

            La Société française de photographie possède dans ses collections six papiers cirés secs originaux datant de l’épisode de la Mission héliographique de 1851. Ces six négatifs sont rangés dans une pochette qui porte l'indication Mestral Le Gray. En effet, comme nous l’avons vu, Le Gray durant l’été 1851 est accompagné de son élève Mestral[1], et ceci engendre un problème quant à l’attribution exacte du créateur des négatifs. Cependant, si pour certaines œuvres l’opérateur n’est pas Le Gray, les formules sont de lui et les manipulations ont été réalisées sous son contrôle. Ces six négatifs sont classés comme suit :

 

Référence

Sujet photographié

signature

SFP 243.24

Un calvaire breton, peut-être Pleyben

-

SFP 243.25

Idem

-

SFP 243.26

Une cathédrale, peut-être Caen

-

SFP 243.27

Idem

Legray

SFP 243.28

Une maison ancienne

-

SFP 243.29

L’escalier du château de Blois[2]

Mestral

 

            On ne sait pas si ces signatures sont celles des auteurs, ou seulement des attributions postérieures ; en effet, le mot Legray ne ressemble pas à la signature rouge caractéristique du photographe que l’on peut voir par exemple sur ses marines de Méditerranée.

 

 

 

 

 Les négatifs originaux nous donnent de nombreux renseignements techniques :

 

. les feuilles sont dans un format de l’ordre de 25 par 35 centimètres

. nous estimons le grammage du papier supérieure à 50 et inférieure à 80, soit de l’ordre de 65 grammes par mètre carré

. La texture du papier est très peu visible, compacte et en croisillons ; on peut penser à du papier anglais

. la teinte du papier est d’un jaune-gris uniforme, légèrement luisant et il ne fait aucun doute que le papier soit ciré[3]

. les ciels sont repiqués, ou même parfois entièrement bouchés à l’aide d’un empois noir pâteux

 

            Il faut noter par ailleurs la grande qualité de ces négatifs ; tous sont bien exposés, aucun ne possède de zones ou coulures suite à de mauvaises manipulations dans le traitement. Le contraste est élevé, si l’on observe le négatif à la table lumineuse. Un négatif représentant le calvaire breton est notamment fort contrasté. Ainsi, la qualité est optimale, si l’on compare les négatifs avec ceux par exemple de Louis-Rémy Robert, que nous avons observés à la fin de l’année dernière à la galerie parisienne Baudoin Lebon[4]. Près de cent cinquante ans après, ces négatifs sur papier sont donc tout à fait réutilisables ; cette grande stabilité est à mettre en parallèle avec celle très faible de nombreux procédés humides de négatif papier non ciré, dont les praticiens du XIXème siècle notaient déjà la mauvaise conservation au bout de quelques mois.

 



[1] On trouve dans la littérature bien peu de traces sur la biographie d’Olivier Mestral. L’un des ouvrages donnant le plus de renseignements est certainement Photographier l'architecture 1851-1920. Collection du Musée des Monuments Français, Réunion des musées nationaux, Paris, 1994. On peut y lire page 240 que Mestral est membre de la Société héliographique en 1851 et de la Société française de photographie en 1854. Il débute en tant que daguerréotypiste. Après la Mission héliographique, il se rend en Normandie et en Bretagne. Il expose des photographies en 1855. On ne possède ensuite plus de renseignements sur sa vie ; ses dates de naissance et de décès ne sont pas connues.

[2] Le musée d'Orsay possède aussi un négatif papier ciré au sujet identique, sous la côte MH. 7493. Pour la liste des négatifs et tirages existants de la Mission héliographique de Le Gray et Mestral, consulter Anne de Mondenard, Le fonds de photographies du Musée des monuments français : les épreuves révélées de la Mission héliographique, mémoire de recherche de l'Ecole du Louvre, sous la direction de Françoise Heilbrun, Paris, 1996.

[3] On voit que la cire a un effet conservateur, car le papier est bien conservé, autant que l’image photographique. Il n’y a pas de traces de contamination chimique ou microbienne.

[4] Voir à ce sujet le catalogue de l’exposition,  Louis Robert. L'alchimie des images, NBC, Paris, 1999.