Etude de la transparence en fonction du papier et du mode de huilage

 

Mesures spectrophotométriques de papiers huilés avec différents produits :

 

            Après la sélection de quelques papiers, nous les huilons à l'aide de plusieurs produits, de manière à observer la réaction du matériau en terme de transparence. On utilise pour cela un spectrophotomètre Hewlett Packard 8452 A utilisé en absorbance. La plage de longueur d'onde choisie est comprise entre 350 et 700 nanomètres ; le pas de l'appareil est fixe et égal à 2 nanomètres. On récupère les valeurs de chaque radiation mesurée sous la forme d'un fichier numérique lisible sous le tableur Excel. On traite les données, notamment en supprimant des valeurs pour augmenter le pas à 10 nanomètres. On peut alors tracer dans un même graphique les absorbances en fonction de la longueur d'onde pour nos différents papiers. Nous avons mesuré les échantillons suivants :

 

Type de papier

Produit de huilage

Atlantis Photosafe 80g

-

Atlantis Photosafe 80g

Cire d'abeille Acros

Atlantis Photosafe 80g

Cire d'abeille Prolabo

Atlantis Photosafe 80g

Huile de paraffine appliquée au tampon

Atlantis Photosafe 80g

Huile de paraffine appliquée au fer

Valoprint 65g

Cire d'abeille Acros

Atlantis Silversafe 50g

Cire d'abeille Acros

Japon Minomitre 31g

Cire d'abeille Acros

 

            Les tracés sont visibles en annexe[1]. On remarque immédiatement l'irrégularité générale des signaux reçus pour le Photosafe brut en comparaison des papiers huilés ou cirés. La blancheur du papier est donc toute relative. Ce papier laisse moins passer l'ultraviolet et le proche infrarouge.

            Les deux cires d'abeille génèrent des résultats différents : la cire de Prolabo ne procure pas une transmission aussi élevée que la cire Acros. A l'œil, cette dernière est moins jaune que la première, mais il n'est pas possible au vu de la courbe de détecter une coloration plus jaune pour la cire Prolabo.

            L'huile de paraffine créé une transparence plus grande que les cires ; selon le mode d'application, le résultat est différent. La solution du tamponnage à l'aide d'un chiffon procure la plus grande transparence : en effet, c'est ainsi que le minimum de corps gras en excédent pénètre le papier.

            Le cas du Silversafe est étonnant : ciré, c'est le papier le plus transparent de tous nos essais. Bien que son grammage est de 50g/m², il est plus transparent que le Japon Minomitre ciré qui ne pèse que 31g/m², et bien plus transparent que le Valoprint, à 65g/m². Il est dommage qu'en pratique ce papier soit un peu trop léger et moins sensible que le Photosafe[2].

           

            Pour obtenir les densités visuelles équivalentes à un status M en spéculaire, on pourrait se servir de nos données, en multipliant les mesures du spectrophotomètre par la fonction de mélange y de l'observateur standard CIE 1931, pour chaque longueur d'onde, et en sommant chaque produit. On regrouperait ainsi les radiations lumineuses de toutes les longueurs d'onde, comme un densitomètre. Ce calcul nous est peu utile, étant donné notre intérêt dans la comparaison entre différents protocoles de huilage. Cette manipulation, qui est dédiée au problème du tirage, nous a montré que la transparence d'un papier est fonction de sa matière, du produit de huilage mais pas de son grammage. Elle indique aussi que le huilage nivelle les différences de densité en fonction des longueurs d'onde de la source. Elle ne donne bien sûr aucune indication sur la sensibilité spectrale du procédé. 

 

Préparation, exposition et traitement de papiers huilés avec différents produits :

 

            Exposition par contact

 

Nous avons voulu observer le rendu des valeurs du papier Atlantis Photosafe 80g huilés avec une sélection de produits divers. Exceptée la première opération, l'ensemble des échantillons est traité à l'identique, les formules suivant les conclusions données à la fin du chapitre précédent (on utilise l'ioduration 1). Le huilage est opéré avec des cires, des huiles ou bien une combinaison d'huile et de cire :

 

Numéro d'échantillon

Produit(s) utilisé(s)

31

Cire d'abeille

32

Cire de Carnauba

33

Huile alimentaire ISIO 4[3]

34

Huile silicone

35

Huile de paraffine

36

Huile silicone 10g

Cire d'abeille 7g

37

Huile de paraffine 10g

Cire d'abeille 7g

38

Huile de silicone 10g

Cire de Carnauba 7g

 

            Pour les combinaisons de cire et huile, on se sert d'un récipient en verre avec les deux ingrédients. Ce récipient est chauffé au bain-marie, et il faut mélanger le complexe fréquemment. A partir d'une certaine température, toute la cire d'abeille se liquéfie et les deux produits se solubilisent totalement ; le nouveau corps ainsi formé possède les caractéristiques de la cire, c'est-à-dire qu'il se solidifie en passant sous une certaine température. Pour en imprégner le papier, on le dépose sur quelques parties à l'aide d'une spatule et on traite avec un fer comme précédemment.


 


Préparation des combinaisons de huile et cire.

 

Au cours du traitement, les feuilles simplement huilées sont très fragilisées, et laissent des dépôts de ioduration et d'huile en quantités plus ou moins importantes dans tous les bains. Les autres papiers réagissent bien, et résistent normalement aux solutions aqueuses. On note aussi que le caractère hydrophile des papiers varie en fonction de la composition du huilage. Après exposition aux tubes fluorescents (16000 lux pendant 10 secondes) et traitement, on peut mesurer les densités visuelles obtenues, à l'exception des papiers simplement huilés, trop dégradés : la solution du huilage seul n'est pas satisfaisante (échantillons 33, 34 et 35). Les Ds+v ne sont pas négligeables :

 

Numéro

31

32

36

37

38

Ds+v

0,41

0,45

0,42

0,52

0,58

 

            En ce qui concerne les échantillons, la formation de l'image est homogène, et on note seulement quelques tâches localisées. La cire de Carnauba (difficile à imprégner dans le papier car son point de fusion est très élevé) génère des traces visibles par réflexion, mais qui gênent moins en transmission. Aucun produit de huilage n'empêche la venue de l'image.

Les courbes H&D des densités sans la Ds+v sont encourageantes : elles indiquent que les diverses combinaisons testées procurent un gain en sensibilité par rapport à un papier traité à la cire d'abeille seule. Les densités maximales sont plus élevées. Le contraste est très légèrement augmenté ; on note surtout une amélioration dans les pieds de courbe. Le gain le plus élevé en densité revient à l'échantillon 32 traité à la cire de Carnauba seule et à l'échantillon 38 traité avec la même cire et de l'huile silicone. Pour ces deux papiers, l'amplitude en terme de densité est environ de 0.9, contre 0.6 pour le papier à la cire d'abeille. Il est difficile de déceler des différences entre les échantillons 36 et 37, ou seule la nature de l'huile change. Tout au plus peut-on noter que la courbe H&D avec l'huile de silicone possède un contraste légèrement supérieur[4].

 

Prises de vue à la chambre

 

Devant la qualité des résultats précédents, nous choisissons de valider l'utilisation de certains produits de huilage, avec de nouvelles prises de vue en extérieur à la chambre photographique. Nous préparons quatre négatifs au format 20,3 par 24,5 centimètres :

Numéro

Ioduration

Produit de huilage

1

Numéro 1

Cire de Carnauba

2

Numéro 1

Cire d'abeille

3

Au chlorure de potassium (28)

Cire de Carnauba

4

Numéro 1

Cire d'abeille

 

 

            L'objectif utilisé est ici un Schneider-Kreunzach Symmar-S 300mm à f/5,6 ; les expositions sont réalisées en plein soleil, avec une pose de 15 minutes par papier.

 

            Après le développement, aucun négatif n'est malheureusement acceptable. A cela, on peut suggérer plusieurs hypothèses :

. les conditions météorologiques nous ont obligés à attendre 72 heures entre la préparation des papiers et l'exposition ; ce temps de latence a pu être néfaste pour la sensibilité du procédé, qu'il soit ciré avec l'une ou l'autre des deux cires

. La cire de Carnauba réagit mal au spectre solaire, et empêche la formation de l'image ; dans ce cas cependant les papiers n°2 ou 4 auraient dû fonctionner

. La cire de Carnauba nécessite un protocole de développement différent, quand la source est le spectre solaire ; là encore, on pourrait s'étonner que les papiers n°2 ou 4 ne fonctionnent pas

. le séchage du papier sensibilisé entre des feuilles de buvard est préjudiciable avec la cire de Carnauba

. nous avons effectué une erreur de manipulation.

 



[1] Voir l'annexe, p. XLVIII.

[2] De plus, Atlantis ne fournit ce papier que dans des quantités très élevées et, malgré les nombreux échantillons offerts, nous étions assez limités pour utiliser le Silversafe.

[3] Cette huile provient pour une grande part du tournesol, et pour une quantité moindre du colza ; un très faible pourcentage provient du pépin de raisin.

[4] En note, nous pouvons évoquer notre essai de traitement d'un papier à l'acide sulfurique concentré. Ce procédé est utilisé dans la fabrication du papier parchemin. La manipulation nous a semblé intéressante pour tenter de substituer aux produits de huilage un traitement chimique, pour augmenter la transparence. La réaction du papier est très vive dans le cas du Photosafe, et il ne faut pas plus de 30 secondes pour que la cellulose soit totalement dégradée, et le papier détruit. En le trempant quelques secondes et en le rinçant immédiatement, nous avons obtenu un papier moins épais, mais fragilisé. Les paramètres de cette expérience seraient intéressants à optimiser, mais dépassent le cadre de notre étude.