Réalisation du procédé original de Gustave Le Gray

 

Définition d'une sélection de papiers :

 

      Tests préliminaires de cirage et mesures densitométriques

 

Le nombre de papiers fins étant important, nous avons initialement décidé de réaliser uniquement des tests de cirage[1] sur l'ensemble des échantillons, n'ayant pas le temps matériel de sensibiliser chaque type de papier. Nous avons tout d'abord mesuré les densités visuelles des papiers bruts puis cirés à l'aide d'un densitomètre[2], pour estimer le gain en transparence généré par le cirage.

 

 

 

Numéro

Type de papier

Densité visuelle avant cirage

Densité visuelle après cirage

Transmission avant cirage

Transmission après cirage

Gain en transmission (%)

1

Japon Minomitre 31g

0.22

0.09

0.60

0.81

34.9

2

Layout 70g

 

0.3

0.15

0.50

0.71

41.2

3

Atlantis Silversafe 50g

0.33

0.08

0.47

0.83

77.8

4

Japon Hosho 60g

 

0.35

0.11

0.45

0.78

73.8

5

Parchemin Royal 90g

0.37

0.18

0.43

0.66

54.9

6

Canson Barrière 80g

0.43

0.16

0.37

0.69

86.2

7

Atlantis Photosafe 80g

0.44

0.17

0.36

0.68

86.2

8

Canson Permanent 120g

0.44

0.22

0.36

0.60

66.0

9

Atlantis HW blanc 100g

0.46

0.19

0.35

0.65

86.2

10

Astrid bouffant 80g

0.48

0.24

0.33

0.58

73.8

11

Ingres école Arna 85g

0.49

0.21

0.32

0.62

90.5

12

Papier allemand ancien 1852

0.5

0.17

0.32

0.68

113.8

13

Atlantis HW ivoire 100g

0.5

0.21

0.32

0.62

95.0

14

Opale Dialogue blanc 90g

0.56

0.19

0.28

0.65

134.4

15

Valoprint  65g

0.59

0.16

0.26

0.69

169.1

16

Atlantis Silversafe 120g

0.6

0.22

0.25

0.60

139.9

17

Rivoli blanc ramette 90g

0.62

0.41

0.24

0.39

62.2

18

Richard de Bas sans acide 90g

0.64

0.27

0.23

0.54

134.4

19

Velin d'Arches blanc 160g

0.74

0.27

0.18

0.54

195.1

20

Velin BFK Rives blanc 180g

0.76

0.28

0.17

0.52

202.0

21

Lana Gravure 180g

0.92

0.33

0.12

0.47

289.1

 

 

Les papiers sont classés par densité visuelle croissante avant cirage. On voit que ce classement n'est pas tout à fait fonction de l'épaisseur du papier, ce qui indique que la transparence dépend aussi de la composition de la pâte du papier. La moyenne des rapports de transmission après et avant cirage étant égal à 2.38, on en déduit que la cire double globalement la transparence.

 

On observe aussi que le gain en transparence est en moyenne plus important pour un papier dont la densité visuelle non ciré est grande, à l'exception du Rivoli blanc 90g (n°17) :

 

 

 

gain en transmission (en %)

 

densité visuelle (échantillon non ciré)

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Cet avantage est surtout lié aux papiers de grammage supérieur à 80 g/m². Nous ne savons pas s'il aura de l'importance, ne sachant pas encore si ces papiers relativement épais sont utilisables pour le procédé Le Gray.

 

Présélection des papiers à l'aide de contacts

 

Pour opérer une première sélection, nous avons réalisé des contacts d'un négatif Polaroid (type 55) sur papier photographique, en intercalant pour chaque test un échantillon de papier ciré.

L'opération est réalisée sous agrandisseur Durst à éclairage diffus, le contact étant placé dans un châssis contact. Un témoin est tiré sans papier ciré intercalé. Tous les autres contacts sont tirés en augmentant la lumination de manière à restituer une densité générale. Les tirages sont visibles en partie pratique.

Suite à ces différents tirages, nous procédons à l'élimination de plusieurs papiers, en fonction des critères suivants :

_ vergeures ou texture du papier ciré visibles sur le tirage

_ illisibilité des informations typographiques (marque Hitachi)

_ netteté générale de l'image insuffisante

_ difficulté du cirage (cas du Layout 70g)

             

Nous décidons alors de conserver les papiers suivants :

 

Atlantis Photosafe 80g

Atlantis Silversafe 50g

Japon Hosho 60g

Canson Barrière 80g

Opale Dialogue blanc 90g

Valoprint blanc 65g

 

 

Estimation du rendu des détails à travers les papiers présélectionnés

 

Pour étudier plus en profondeur les papiers sélectionnés, nous allons observer leur influence au niveau du tirage en terme de rendu des détails. Cette expérience a pour objectif de quantifier la modification du flux lumineux après passage dans l'épaisseur d'un papier ciré. Elle consiste à réaliser des contacts de mire sur du papier photographique en intercalant entre les deux les échantillons de papier ciré.

 

 

 


 


Protocole d'exposition du papier photographique.

 

            Pour plus de rigueur, les expositions sont réalisées à l'aide de la contacteuse pneumatique Vannier Photelec DP 60. Pour obtenir le maximum de restitution des détails, le côté gravé de la mire est placé face au papier ciré (position vers le bas). La mire génère donc sur le papier photographique une image inversée.

Pour le premier essai, un papier photographique à support plastifié est utilisé, le Kodak RC Polymax II. Les tirages obtenus ne sont pas satisfaisants, car la surface brillante de ce papier diffuse trop la lumière, ce qui perturbe l'image. Nous avons alors décidé d'utiliser un papier photographique baryté, plus à même de simuler un procédé traditionnel de tirage comme le papier salé ou le papier albuminé : le Ilford baryté grade 4 Ilfobrom Galerie IG4.1K.

 

Précisions sur le protocole d'exposition et de traitement :

 

. on utilise une mire Gurley type USAF 51 gravée en paires de traits par millimètre de 1 à 255

. la source associée à la contacteuse est utilisée en mode diffus (plafonnier en sphère diffusante), la pompe à vide est active pendant l'exposition

. le temps de pose du tirage témoin est 28 secondes

. les temps de pose des expositions avec papier ciré sont compensés de manière à obtenir une densité générale à celle du tirage témoin.

Après séchage et pressage des sept contacts de mire, on détermine pour chacun le nombre maximum de paires de traits par millimètre lisible[3]. On obtient les données suivantes :

 

Papier ciré utilisé

Paires de lignes lues par millimètre

Témoin sans papier

20

Atlantis Silversafe 50g/m²

7

Japon Hosho 60g/m²

2,5

Valoprint blanc 65g/m²

2,5

Canson Barrière 80g/m²

2,25

Opale dialogue blanc 90g/m²

2

Atlantis Photosafe 80g/m²

1,75

 

 

            Les valeurs numériques de ces résolutions ne sont pas réellement significatives ; par contre, la comparaison entre la valeur témoin et les valeurs relatives aux différents papiers montre tout d'abord la perte importante de détails due à ces papiers, dans un rapport moyen de dix. D'autre part, on observe que la résolution diminue globalement quand l'épaisseur du papier augmente. De plus, le Barrière et le Photosafe, deux papiers de grammages identiques n'obtiennent pas les même valeurs. Beaucoup de paramètres entrent dans cette différence : le Barrière, dont la fabrication se rapproche plus de l'industrie papetière actuelle, est à base de pâte à bois alors que le Photosafe, de facture plus traditionnelle, utilise des purs linters de coton. Le Silversafe, papier le plus fin du lot, obtient une valeur très élevée par rapport aux autres.

            Cette expérience a donc simulé le comportement des différents papiers en configuration cirée dans leur aptitude au tirage[4]. Elle ne simule pas cependant les capacités de transfert lumineux d'un papier après sensibilisation et traitement selon les formulations du papier ciré sec, transfert qui peut différer suite aux différents passages dans les bains. Elle ne donne pas non plus d'information sur le rendu des détails de l'image argentique fixée sur le support papier ciré, après développement. Les valeurs obtenues sont relativement proches et ne permettent pas d'optimiser la sélection des papiers, c'est pourquoi nous allons tous les tester avec le procédé Le Gray.


Protocole de traitement :

 

Cette partie importante de notre recherche consiste à cerner au fur et à mesure des expériences un protocole optimal pour la réalisation du procédé original de Le Gray. Nous avons réalisé de nombreuses expositions sur papier sensibilisé, de format approximatif 15 par 5 centimètres ; plusieurs paramètres ont été modifiés et testés, dans la séquence de préparation et de traitement des échantillons.

Pour faciliter la lisibilité des expérimentations, l'ensemble des échantillons est regroupé et numéroté dans la partie pratique à l'intérieur d'un classeur, et les séquences de traitement sont synthétisées sous forme de tableaux fournis en annexe[5], ainsi que dans le classeur. Des commentaires sont apportés sur les expériences dans ce chapitre ; de même, nous donnons le protocole final qui nous a fourni le meilleur résultat.

 

Commentaires sur le traitement des papiers

 

Mener à bien la préparation et le traitement d'un papier ciré sec requiert une journée au minimum ; une grande précision est nécessaire, étant donné la somme importante de manipulations répétitives. Par ailleurs, la fragilité des papiers fins en solution aqueuse oblige à un maximum de précautions de la part de l'opérateur, pour éviter les cas de déchirement ou de pliage de la feuille. Exceptés les paramètres à modifier, la préparation d'un papier a été effectuée selon une méthode la plus standardisée possible, de manière à rendre fiable la comparaison entre les différents échantillons. Plusieurs points ont été suivis :

. toutes les solutions sont préparées à l'eau distillée

. les solutions de ioduration sont réutilisées

. les solutions de sensibilisation sont réutilisées uniquement pour le développement (quelques centimètres cubes)

. les solutions réemployées comportant des dépôts sont filtrées

. les temps de trempage dans les bains sont contrôlés

. la température des bains est généralement constante et égale à la température du local

. seule l'ioduration est réalisée en lumière blanche, les autre préparations étant menées sous un éclairage de sécurité au sodium[6]

 

Schéma de lecture des tableaux de données et séquences non modifiées

 

Pour faciliter la comparaison entre échantillons, on pourra se référer aux tableaux de données fournis. Ils contiennent pour chaque échantillon l'ensemble des paramètres susceptibles d'être modifiés.

Une case comportant un tiret signifie que l'opération correspondante n'a pas été réalisée, ou bien qu'un composé chimique n'a pas été ajouté, etc. Une case comportant une croix " X " signifie que l'opération a été effectuée, que le bain est neuf etc.

Pour trouver les données relatives à un échantillon, on utilisera les numéros annotés vis-à-vis de chaque papier et on cherchera dans la première ligne des tableaux le numéro correspondant.

 

Pour ne pas surcharger les tableaux, les séquences et manipulations non modifiées au cours des différents essais, ainsi que les formules chimiques des bains sont regroupées ci-dessous :

 

. pour l'ioduration, le trempage des papiers se fait par immersion[7] ; à la fin de l'opération, on suspend les papiers à une pince pour les faire sécher à l'air libre, non par une pointe, mais par le milieu d'un petit côté

. après le bain de sensibilisation et de rinçage, les papiers sont séchés et stockés entre des feuilles de buvard

. le développement des papiers exposés se fait par immersion dans le bain d'acide gallique

. à la fin du développement, les papiers sont rincés dans un courant d'eau ordinaire

. le fixage des papiers est réalisé par immersion

 

 

Les solutions utilisées sont les suivantes :

 

Solution

Numéro

Chimies

 

Ioduration

 

N°1

Eau ordinaire 1L

Amidon de riz 15g

Iodure de potassium 15g

Cyanure de potassium 0,8g Fluorure de potassium 0,5g

 

 

 

Ioduration

 

 

 

N°2

Eau distillée 1L

Amidon de riz 15g

Sucre de lait 45g

Colle de poisson 20g

Iodure de potassium 15g

Cyanure de potassium 0,8g

Fluorure de potassium 0,5g

 

 

Ioduration

 

 

N°3

Eau distillée 1L

Sucre de lait 45g

Colle de poisson 20g

Iodure de potassium 30g

Cyanure de potassium 0,8g

Fluorure de potassium 0,5g

 

Sensibilisation

 

N°1

Eau distillée 0,15L

Acide acétique 12 cm3

Nitrate d'argent 10g

 

Sensibilisation[8]

 

N°2

Eau distillée 0,135L

Acide acétique 15 cm3

Nitrate d'argent 10g

 

 

Ce que montrent les résultats

 

            La méthode de cirage la plus satisfaisante est celle par laquelle nous avons débuté. La cire commandée chez Acros Organic, sous forme de granules, s'adapte bien au saupoudrage du papier posé sur le buvard ; sa fonte avec le fer est rapide et elle se répand de manière assez homogène. Pour enlever l'excès de cire, nous passons le papier entre des feuilles de buvard que nous repassons, jusqu'à disparition de traces luisantes de cire à la surface. Michael Gray nous a conseillé de repasser jusqu'à ce qu'aucun résidu de cire ne soit apparent sur le buvard[9], mais cette méthode allonge la manipulation sans engendrer une différence notable d'homogénéité du cirage.

            Nous avons testé la méthode préconisée par Le Gray, à savoir tremper une face du papier dans la cire maintenue fondue par la chaleur, puis enlever l'excès de cire comme auparavant. Il est cependant très difficile d'enduire le papier sur un côté uniquement, et le bouillonnement de la cire rend la manipulation dangereuse. De plus, les résultats ne sont pas acceptables (échantillons 84, 85 et 86) : l'excès de cire n'est enlevé qu'à de rares endroits, plus denses par rapport aux autres. Certaines zones ne sont pas sensibles du tout.

            Une autre cire d'abeille a été utilisée, provenant du laboratoire Prolabo et stockée sous forme de pain, une fabrication plus traditionnelle à priori. On doit alors découper des copeaux pour les faire fondre sur le papier ; les résultats ne montrent pas de différences significatives, exceptée une coloration jaune plus accentuée pour cette seconde cire (échantillons 37, 38, 49, 50).

            Le papier est un élément fondamental du procédé ; sur la vingtaine de papiers testés, seul deux se sont trouvés être compatibles, les Atlantis Photosafe 80g et Silversafe 50g, le premier ayant fonctionné le mieux. Ces papiers anglais rappellent dans leur mode de fabrication les papiers du XIXème siècle. Ils utilisent des linters de coton purs, ne sont pas tamponnés avec un alcalin et ne possèdent pas d'azurants optiques ; le Silversafe est collé avec un dimer cétonique tandis que le Photosafe n'est pas collé. Leur texture est serrée et ils sont relativement absorbants, ce qui facilite l'imprégnation dans les bains. Cependant, le Silversafe est un peu trop fin, car des interstices sont visibles entre les fibres de papier ; le Photosafe quant à lui serait plus exploitable sous un grammage inférieur, de l'ordre de 65g par exemple.

            Quant aux papiers de facture plus actuelle, nous n'avons malheureusement trouvé aucun échantillon traité acceptable. Ces papiers semblent interagir chimiquement avec les différentes solutions de préparation. Le Canson Barrière pourrait être exploitable si on le sensibilise sur une face, mais les résultats sont de toute manière inférieures. Ainsi, les papiers modernes que nous avons sélectionnés, séduisants par leur aspect lisse et très homogène, ne sont pas compatibles.

 

            L'étape de ioduration est assez délicate car il semble y avoir réaction entre la cire, le bain et le papier, par décomposition de la cire. Ainsi, le temps de trempage doit être augmenté par rapport à celui de 30 à 60 minutes indiqué par Le Gray ; nous avons fini par iodurer en laissant tremper les échantillons toute la nuit. Joël Snyder nous a confirmé le choix d'un temps minimum de huit heures[10]. La différence est significative en terme de densité (échantillons 37 et 72 par exemple).

La formule N°2 fidèle à Le Gray nous a paru trop visqueuse. Des essais avec une solution sans amidon de riz ont montré une formation de l'image plus dense et homogène, due au séchage de l'ioduration plus uniforme sur la feuille (échantillons 54 et 64 par exemple). Le gain en densité est expliqué par la quantité d'iodure de potassium doublée par rapport à la première formule. Cette quantité de 30g est un compromis entre le traité de Le Gray de 1851 (45g) et celui de 1852 (15g).

 

La formule de sensibilisation est peu modifiable (seuls des essais faisant varier la concentration en nitrate d'argent seront réalisés). Cependant, la manipulation est extrêmement délicate, car la solution s'imprègne difficilement sur et dans le papier. Le temps de traitement se situant autour de cinq minutes, il faut rapidement étendre la solution sur le papier en chassant les bulles d'air qui s'y fixent, sans abîmer la surface.

Le rinçage à l'eau distillée qui suit est primordial : trop court, le papier noircit si on ne l'utilise pas de suite, ce qui n'est pas le but du procédé (échantillons 26, 30, 34 non exposés ni développés, par exemple). Un rinçage de 30 secondes n'est pas suffisant ; nous avons conclu sur cinq minutes de rinçage. Ce temps suffit en séchant et stockant le papier dans des feuilles de papier buvard.

 

Pour la chimie de développement, Le Gray laisse le choix entre une solution d'acide gallique seule ou bien cette dernière à laquelle sont additionnées quelques gouttes d'acéto-nitrate d'argent. Nous avons utilisé la première méthode jusqu'à l'échantillon 53 ; la différence flagrante entre le 53 et le 53 bis résulte uniquement du changement de méthode. Ainsi, il apparaît qu'un développement physique est nécessaire pour le procédé. Dans cette configuration, le iodure d'argent contenu dans le papier amorce le développement de l'image, tandis que le nitrate d'argent en solution poursuit le processus en déposant sur les zones insolées de l'ion argent réduit en solution. Etant donné ce résultat, nous continuons les expériences en développant toujours avec la seconde méthode.

 

L'étape de fixage est simple pratiquement, mais il est difficile d'évaluer si la totalité de l'iodure d'argent non insolé a été complexée par le thiosulfate de sodium et s'est évacuée dans la solution. Nous avons uniquement testé le paramètre temps ; nous voyons par exemple une différence de coloration entre l'échantillon 69 fixé 10 minutes et le 70, traité pareillement mais fixé 30 minutes. Le second a perdu une grande partie de la coloration jaune du premier ; cependant, il paraît aussi avoir subi une perte légère en densité. Un dosage de l'iodure d'argent restant serait une solution pour quantifier le phénomène.

 

Il faut rajouter au traitement une étape très courte mais fondamentale : on repasse à nouveau les négatifs traités et séchés entre des feuilles de buvard, avec un fer modérément chaud. Cette manipulation, en faisant passer la cire au-delà de son point de fusion pendant un bref instant lisse non seulement la surface du papier, mais restitue à la cire sa transparence ; la modification est quasi instantanée. L'opération doit être opérée uniformément sur toute la surface du papier ; nous l'avons réalisé partiellement sur l'échantillon 53 bis, puis à nouveau sur toute la surface cinq minutes après. Il en résulte une différence de coloration entre les deux zones.

 

Après ces remarques, nous pouvons donné le protocole de traitement qui nous a paru le plus apte pour le procédé de Le Gray :

 

 

Etapes

 

 

Produits utilisés

 

 

Méthode d'enduction

Papier

Atlantis Photosafe 80g (Silversafe 50g à défaut)

-

 

Cirage

Cire blanchie en granules Acros

Fonte et élimination de l'excédent au fer, entre des feuilles de buvard

 

 

Ioduration

Eau distillée 1L

Sucre de lait 45g

Colle de poisson 20g

Iodure de potassium 30g

Cyanure de potassium 0,8g

Fluorure de potassium 0,5g

 

Immersion des feuilles pendant 12 h au minimum

 

Sensibilisation

Eau distillée 0,135L

Acide acétique 15 cm3

Nitrate d'argent 10g

Immersion des feuilles pendant 5 minutes

Rinçage

Eau distillée

Immersion 5 minutes

 

Développement

Solution saturée d'acide gallique

Acéto-nitrate d'argent (formule de la sensibilisation)

Par immersion, 20 minutes avec l'acide gallique seul puis 1 h 20 environ en ajoutant des gouttes d'acéto-nitrate

Fixage

Eau 0,8L

Thiosulfate de sodium 100g

Immersion pendant 20 minutes

Lavage

Eau

A grande eau, pendant 20 minutes

 

Repassage

 

-

Un bref coup de fer modérément chaud, sur toute la surface, entre du buvard

 

Formulations optimisées suivant notre expérience du procédé Le Gray.

 

Protocole d'exposition :

 

Le procédé du papier ciré sec est destiné à la prise de vue à la chambre photographique, en lumière naturelle. Pour des raisons évidentes de temps matériel et d'homogénéité, il nous est impossible d'utiliser cette source lumineuse et ce mode d'exposition pour nos différents essais. De plus, le spectre solaire d'hiver ou de printemps est peu riche en ultraviolet, une gamme de radiations nécessaires dans la pratique des procédés alternatifs. Seules quelques prises de vue viendront valider les formules et modes de traitement obtenus.

 

Exposition par contact

 

            Nous avons utilisé au début de notre expérimentation la source lumineuse d'un agrandisseur. Le spectre de cette source est continu, mais pauvre en radiations ultraviolettes. Ainsi, malgré des luminations supérieures à 80000 lux.s, nous n'avons pas réussi a formé une image suffisante (cas de l'échantillon 14, par exemple[11]).

            Nous utilisons donc désormais des tubes fluorescents, reliés entre eux pour former un banc d'exposition. Leur spectre est mixte : il combine un spectre continu avec un spectre de raies. Ce spectre est plus riche en radiations ultraviolettes que la source de l'agrandisseur. Pour diminuer les temps de pose, nous plaçons le châssis contact à une distance des tubes telle qu'un éclairement de 16000 lux est fourni à la surface de l'échantillon. Nos temps d'exposition varient alors entre 1 et 20 secondes. Pour assurer une meilleure homogénéité du spectre lumineux, les tubes sont allumés cinq minutes avant les séries d'exposition.

            Il faut bien se rendre compte que les conclusions tirées de nos expériences ne sont pas directement applicables à un mode d'exposition à la chambre, pour des raisons de qualité spectrale de la source et de réciprocité. Notre état d'esprit est plutôt une comparaison entre les échantillons en fonction des modes de préparation, pour les contacts de gamme, et l'observation des résultats appliqués à l'utilisation traditionnelle du papier ciré sec.

 

            Exposition à l'aide d'une chambre photographique

 

            Le procédé de le Gray s'accorde bien avec le matériel actuel de prise de vue, étant donné qu'on l'utilise à sec. On peut donc placer le papier dans le châssis sans craindre de mouiller une ou plusieurs parties de la chambre.

            Pour adapter le papier au châssis, on prépare tout d'abord une feuille de dimension 21 par 29,7 centimètres jusqu'à l'ioduration. Quand le papier est sec, on le taille aux dimensions  20,3 par 24,5 centimètres. On termine alors le traitement avec la sensibilisation. Quand le papier est à nouveau sec, il se glisse aisément sous les rainures du châssis, comme un plan-film classique[12]. Cette opération se fait lentement, de manière à ne pas plier le papier accidentellement. Quand la feuille est bien en place, il reste juste à glisser le cache à nouveau dans la fente adaptée du châssis.

            Nous avons toujours utilisé pour nos prises de vue une chambre 8 x 10 inches Sinar P2, avec un objectif Schneider de 210 millimètres, utilisé à pleine ouverture f/5,6. Les temps de pose moyens sont de vingt minutes, en plein soleil, en milieu de journée.

 



[1] Le cirage est réalisé comme suit. On place la feuille entre du papier buvard, on étend sur elle de la cire en granules, on replie le buvard et on passe sur l'ensemble un fer chaud, avec un mouvement lent. Lorsque toute la feuille est imbibée de cire liquéfiée, on la retire et on la place entre deux feuilles de buvard propre, et on réalise la même opération, ce qui a pour effet de transférer l'excès de cire de la feuille dans le buvard. Une feuille correctement préparée ne possède plus d'amas de cire sur sa surface ; son aspect est lisse et mat.

[2] Densitomètre X-RITE Vannier-Photelec, mesure en transmission, status M.

[3] Matériel utilisé : microscope Olympus AH-2, objectif Msplan 10 180mm, observation en lumière réfléchie, grossissement x22. Pour le schéma de lecture de la mire, voir l'annexe, p. LXII.

[4] Les mires obtenues sont visibles en partie pratique sur les fiches d'échantillons de papier correspondantes.

[5] Voir annexes, p. XXXII.

[6] Des tests réalisés sur des papiers non exposés ont démontré l'insensibilité des échantillons aux éclairages de sécurité du laboratoire.

[7] Le fort caractère hydrofuge du papier ciré oblige à vérifier que des bulles d'air ne reste pas en adhérence à la surface du papier ; on les enlève dans ce cas doucement à la pince.

[8] Pour cette deuxième solution, nous nous sommes servis d'acide acétique liquide à 80% (80g pour 100g de liquide, soit 13,3 mol/L, une mole pesant 60g), ce produit n'étant plus vendu sous forme cristallisé. Dans la formule Le Gray, 12g d'acide acétique pour 150 mL d'eau distillée équivalent à 1,33 mol/L. Nous diluons donc 15 mL d'acide acétique liquide dans 135 mL d'eau distillée.

[9] Courrier électronique du 20 mars 2000.

[10] Courrier électronique du 19 mars 2000.

[11] Il faut bien entendu tenir aussi compte des problèmes de traitement qui n'étaient pas encore résolus à ce stade de nos recherches, comme le temps d'ioduration par exemple.

[12] On expose du côté repéré du papier, à savoir le plus lisse, où la trame est la moins visible.